Dans La joie de l'Évangile, le pape François invite l'Église à quitter sa position centrale si longtemps occupée et à « aller aux périphéries ». Il a ainsi mis en lumière un style missionnaire nouveau encourageant les croyants à s'ouvrir, à se déployer vers l'extérieur et à se mettre à l'écoute du lointain.
Que l'Église de France, et plus généralement l'Église d'Occident, soit en train de vivre une mue, le diagnostic sociologique en a été maintes fois posé. Depuis l'entrée dans la modernité, et de manière accentuée avec la seconde sécularisation commencée dans les années 1970, cette mue ne cesse de dépouiller l'Église, avec une insistance frappante et comme inexorable, de toute position de puissance, qui est toujours une position de centralité. Perte du pouvoir politique, de l'influence culturelle, d'une maîtrise des mœurs : la liste est longue et encore non close des renoncements auxquels l'institution doit faire face.
Délogée de sa position centrale, la fragile barque ecclésiale s'avance désormais vers une terre inconnue. Tel Abram quittant un espace familier, elle ignore encore jusqu'à quel point ce mouvement la transformera et quel visage sera le sien dans une hypermodernité qui, elle-même, peine à constituer un monde et une culture. Pour l'heure, force est de constater avec les philosophes Bernard Stiegler1 et Zygmunt Bauman2, la difficulté d'une cristallisation culturelle nouvelle : la labilité et la liquidité semblent être les premières caractéristiques du monde qui émerge. La mondialisation paraît remettre en cause toute position de centre et de périphérie et dessine un monde multipolaire et multiréférentiel, même si les lieux où se concentrent pouvoir et richesses n'ont pas disparu.
Dans cette période d'incertitude et de dépouillement, l'Église doit poursuivre sa mission de vivre et d'annoncer l'Évangile. Mais elle ne peut le faire sans tenir compte de sa fragilité et de sa