Saint François de Sales (1567-1622), ce surdoué de l'apostolat, est probablement, avec François d'Assise, le saint le plus séduisant de l'Église romaine. À l'occasion du quatrième centenaire de sa mort, un savant colloque international a réuni une quinzaine de spécialistes autour de sa figure et de ses écrits, à l'Université catholique de Lyon, les 25-27 novembre 2021. Leurs contributions, substantielles mais de lecture aisée, passent en revue les principales facettes de sa personnalité : le pasteur, le maître spirituel, le théologien soucieux de rendre compte de sa foi et de son expérience spirituelle en face des pasteurs réformés comme de ses ouailles du diocèse de Genève.

Avant toute chose, sa douceur, bien sûr, et le charme de son écriture. De copieuses citations illustrent les divers propos. Mais on peut regretter que manque à ces communications une perspective commune, un angle d'attaque permettant de comprendre l'essentiel : l'extraordinaire fécondité de sa doctrine spirituelle, telle qu'elle se présente dans le Traité de l'amour de Dieu, trop peu lu parce que son début est difficile. Au lieu de dérouler le boulevard d'un itinéraire spirituel bien balisé, comme ses prédécesseurs, persuadé que l'amour est le sens même de la vie de l'homme, François a entrepris de penser l'amour. Or s'il est chose difficile à penser, c'est bien l'amour.

De l'amour le plus égoïste aux formes suprêmes du désintéressement, tout un parcours s'offre à l'homme. Jusqu'à ce qu'il comprenne que le comble de l'amour consiste à ne plus rien vouloir que ce que veut l'Aimé : « sainte indifférence », « abandonnement » semblable à celui de l'enfant dans les bras de sa mère.

Cette spiritualité de « l'abandon », du « lâcher prise », comme on dit aujourd'hui, était promise à un fabuleux destin. Relayée par Fénelon, par le pseudo-Caussade (L'abandon à la Providence divine), combinée à l'esprit d'enfance, c'est elle qui domine la spiritualité chrétienne moderne jusqu'à Charles de Foucauld, et après lui jusqu'à aujourd'hui. La « fille du chirurgien » (Traité, livre IX, chapitre 15) est la grande sœur de Thérèse de l'Enfant Jésus.