Rencontresau fil de l’Evangile de Jean, Parole et silence, 2009, 238 p., 21 euros.
L’eau… et le sang, Desclée de Brouwer, 2009, 111 p. 13euros.
La lecture attentive par Michel Kobik de quelques-unes des rencon­tres de Jésus dans l’évangile de Jean renvoie fréquemment au texte grec ou à sa traduction littérale, de manière tou­jours éclairante et aisée. Nicodème, la Samaritaine, l’infirme de Bethzada, la femme adultère, l’homme né aveugle, Lazare… Pour chacun, la rencontre avec Jésus transforme son existence en son lieu même : l’infirme porte son grabat, fardeau devenu signe de son salut, la Sa­maritaine laisse au puits sa cruche pour accueillir en elle l’eau vive. L’indétermi­nation qui accompagne ces récits où le nom de la plupart des personnages n’est pas donné, où Jésus répond par « qui­conque » à Nicodème, invite le lecteur à venir lui-même y prendre place.
Ce qui frappe, c’est combien les atti­tudes des corps (rester prostré, se lever, écouter, quitter, sortir) sont déjà des attitudes spirituelles. Jésus appelle à la verticalité ou au mouvement l’infirme, Lazare et sa soeur Marie, il se baisse pour se retirer du cercle de la condamnation devant la femme adultère, ou reste assis pour écouter la Samaritaine relire avec lui sa vie. Dès le début de l’évangile, ces rencontres sont encadrées par des controverses avec les Juifs décidés à faire périr Jésus ou sur le point de le lapider. Elles conduisent au seuil de la Passion, car ce qui s’y joue est déjà le combat contre la mort de Jésus lui-même.
Passer de savoir à croire, découvrir que la vie intérieure est en soi, écouter en soi le « mauvais esprit » ou obéir à l’appel de la vie, chacun peut faire soi-même ces expériences, car il n’est « pas de situations de notre existence où le Christ ne puisse venir nous rencontrer et nous sauver ».
En quinze courts chapitres, le livre de Jean-Marie Carrière invite, quant à lui, « à une sorte de tranquille lectio » qui donne à méditer sur ce symbole ambi­valent qu’est l’eau. Les eaux torrentiel­les du Déluge ou celles qui cachent les bêtes monstrueuses des livres de Jonas, Job, Daniel, ces eaux dont le psalmiste rappelle cependant que le Seigneur leur a fixé une limite, sont une puissance menaçante dans l’imaginaire israélite. Il faudra les franchir pour échapper à la servitude, et ce passage constitue l’expérience fondatrice d’Israël. Mais l’eau est aussi porteuse de vie partout où elle jaillit et s’écoule comme dans le jardin de la Création. Le mouvement de l’eau qui descend et circule inspire à Isaïe la métaphore de la pluie pour évoquer fécondité de la parole divine et au Siracide son éloge de la Sagesse. « L’eau est comme la sagesse et comme la parole divine : descendant d’en haut, elle circule partout, et féconde toutes choses, suscitant la vie en toutes ses formes. » L’image sera reprise par saint Ignace dans la contemplation pour ob­tenir l’amour. C’est ainsi « autour de l’eau » que s’échangent les paroles et les promesses : puits des fiançailles, oasis des murmures au désert.
Si le motif de « l’eau vive » est déjà présent dans l’Ancien Testament, c’est Jésus qui en parle, et à la Croix, le signe de l’eau et du sang fait voir que « pour que l’eau soit vraiment vive, il faut que s’y mêle le sang » d’une vie offerte.