Recit de mon election

Jérôme Nadal, né à Majorque, avait rencontré Ignace à l'Université de Paris en 1535. Invité à partager la vie des « premiers compagnons », il s'y était refusé, non sans violence. Après plusieurs années d'une existence apparemment brillante, une lettre écrite par François Xavier et qui circulait à travers l'Europe vint le « réveiller comme d'un sommeil prolongé ». Sans songer encore à changer de vie, il se résolut pourtant à quitter Majorque, où il enseignait l'Écriture sainte, et à reprendre contact avec Ignace. Il raconte lui-même ce que furent, pour son âme tourmentée, les Exercices¹  . Le moment de l'« élection » porta à son comble le combat spirituel déjà violent qui se livrait en lui depuis huit ans. Au début de la retraite, Ignace, s'entretenant avec le père Domenech, chargé de guider Nadal, lui avait confié : « Avec lui, nous aurons des difficultés, car il est plein d'idées noires : ses yeux même le montrent. Il est à craindre, si le Seigneur ne l'appelle, qu'il ne devienne complètement mélancolique et ne perde la raison. À présent, il veut servir Dieu et il ne le peut pas. » Mais, une fois accomplie l'œuvre de libération intérieure par les Exercices, Ignace fut plein d'espoir : « Il aura des épreuves, et peut-être assez pénibles, mais Dieu l'aidera. Les troubles diminueront, les consolations augmenteront, il arrivera à goûter quelque chose du Paradis en cette vie. »