Voici longtemps déjà que je porte en moi l'interrogation suivante : que peut bien vouloir dire l'invitation faite dans le Nouveau Testament à prier sans cesse (Luc 21,36 ; 1 Thessaloniciens 5,17) ? À moins de passer vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans l'oratoire, ce qui n'est ni possible ni même souhaitable, nous nous trouvons face à l'impossibilité de répondre à cette injonction. Alors peut-être faut-il reconsidérer ce que nous entendons par « prier ». Si nous limitons l'acte de prier à un dialogue fait d'un échange de paroles entre Dieu et nous, nous sommes dans une impasse : je ne sais pas pour vous, mais je suis pour ma part incapable de parler et écouter jour et nuit sans m'arrêter ! En revanche, si nous considérons que la prière est le seul moyen de l'échange amoureux entre le Seigneur et nous, que prier, c'est aimer, et si nous croyons Ignace quand il dit : « L'amour doit se mettre dans les actes plus que dans les paroles » (Exercices spirituels, 231), alors nous entrapercevons ce que peut être cette prière incessante.

Prier sans cesse, c'est marquer nos actions de l'empreinte du Seigneur et lester ainsi les mots de nos prières. Toute action est oraison si elle porte en elle la trace de Jésus, nulle tâche n'est indigne et chaque geste peut être une parole sans mots adressée à Dieu. Ce que nous faisons pour servir, guérir, pacifier, écouter, accueillir, embellir… voilà les plus belles tournures de nos prières. À chacun de contempler sa propre vie afin d'y trouver comment incarner, dans le secours d'un frère ou d'une sœur, l'amour professé au secret de l'oratoire. Car si nous n'aimons le Seigneur qu'en paroles, notre amour ne pèsera pas bien lourd…