Le silence est d'or, dit-on… mais de quel silence parle-t-on ? Car, comme ne cesse de le montrer l'actualité, il y a des silences qui sont plutôt de plomb. Parfois, en effet, sidérés devant ce qui aurait pu forcer nos cris, nous nous taisons par peur, par lâcheté ou tout simplement parce que nous sommes incapables de trouver les mots. Le silence, comme les sons, comporte bien des nuances. Il est la toile de fond de notre vie intérieure, c'est en son sein que nous nous mettons à l'écoute de l'Esprit. Il n'est pas exempt de mots et agit comme un révélateur car, adossé à lui, nous pouvons exprimer ce qui nous habite en profondeur et en vérité. Ce silence-là est un don.
En revanche, quand nous nous servons du silence par peur de nous confronter à la vérité, quelles que soient nos « bonnes raisons », il faut nous interroger. Prenons garde, dit Ignace de Loyola, car « c'est le propre de l'ange mauvais, "l'ange de lumière" », d'entrer dans les vues de l'âme fidèle et de sortir avec les siennes, c'est-à-dire en présentant des pensées bonnes et saintes en accord avec cette âme juste, et ensuite d'essayer peu à peu de faire aboutir les siennes en entraînant l'âme dans ses tromperies et ses intentions perverses » (Exercices spirituels, 332). Les fruits du silence pourraient-ils donc être corrompus ? Oui, car notre capacité à nous taire ou à prendre la parole n'est intrinsèquement ni bonne ni mauvaise, seules nos intentions et la visée qui nous anime le sont. Les paroles de Jésus, en Marc 7, 15, « ce qui sort de l'homme, voilà ce qui souille l'homme », s'appliquent parfaitement bien à nos intentions mal orientées.