Il est des lieux d'inépuisable gratuité, où l'amour se donne et s'échange dans une présence et un temps qui ne se comptent pas, sinon en tendresse. Elle seule a raison de l'apparente fixité du regard et de la posture figée de l'autre. Une indicible joie s'y recueille et nourrit une patience tenace : jour après jour, geste après geste, cette présence attentive fait de l'absence apparente une source de vie, de relation gratuite et pleine de sens, un avenir imprévisible fait d'amour et d'engagement libre. Ainsi en témoignent beaucoup de ceux qui accompagnent dans la durée, chez eux ou ailleurs, de si nombreuses personnes touchées par la maladie d'Alzheimer.
A la différence d'autres accompagnements, on n'y est pas stimulé par une transformation, un mieux, une croissance dans la communication ou la santé, mais tout au plus un ralentissement de l'enfermement sur soi. Pourtant là, dans la gratuité d'une présence aussi mystérieusement féconde que nécessaire, ne cessent de naître la foi qui la nourrit et la bonté qu'elle révèle. Chaque fois que se noueune telle relation, se réaffirme la dignité de chaque personne, surpassant toute parole ou échange, toute infirmité et toute paralysie.
Quand le langage se fait simple geste, simple présence qui n'éveille plus ni parole ni réaction dans le corps de l'autre, seul demeure le geste d'amour, la certitude que là, dans cette gratuité totale et sans retour, se dit la foi en une relation qui traverse l'absence et passe le silence et la mort. Inséparable de la bonté et de l'amour qui la portent.
A l'image de Marie, de Jean, du centurion présents sous la Croix, l'humanité de l'homme renaît et ressuscite ici, dans ce don de soi et cet abandon mutuels et silencieux. C'est la vie dans ce qu'elle a d'éternel qui s'écoule et se répand là, dans la gratuité d'une blessure irréparable et pourtant bienheureuse. Une fontaine d'eau vive qui féconde et tisse des liens nouveaux et fraternels, aux avenirs imprévisibles.