
Ces récits donnent lieu ici à des relectures théologiques et spirituelles dont le résultat n’était pas gagné d’avance. La dérive habituelle de ce genre d’opération consiste en effet à solliciter le récit pour l’inscrire dans un canevas théologique, voire biblique, issu d’une culture tout autre. Les auteurs échappent en partie à ce danger en utilisant la médiation de la communauté croyante. Interface entre un sens subjectivement surdéterminé (le vécu immédiatement ressenti) et un langage ecclésial venu de la tradition théologique catholique, la communauté croyante donne ici corps social à ces témoignages individuels. Ce qui permet de regrouper ces témoignages sous les quatre chefs suivants : la source, la loi, la promesse, la justice. Pour les uns, Dieu est provocation, c’est-à-dire appel à s’engager ; pour les autres, il est norme d’une vie personnelle ou professionnelle qui aspire au meilleur ; pour d’autres encore, il est promesse, non d’une réussite, mais d’un sens, toujours à faire ; pour d’autres enfin, il est l’horizon de la justice en marche qui révèle à chacun le meilleur de soi-même. Médiatisée par la communauté croyante, il s’agit dans tous les cas d’une expérience spirituelle personnelle, une tension créatrice entre la dispersion, propre à l’engagement, et l’unité de soi sans laquelle l’identité personnelle se dissout dans l’insignifiance.
Étienne Perrot