Parution initiale dans Christus n° 188 (octobre 2000).

La difficulté est grande de trouver et de garantir son identité dans une société agressive, qui laisse de côté sans états d'âme ceux et celles qui ne parviennent pas à suivre son évolution. L'anonymat des grandes villes et l'insécurité de l'avenir engendrent chez beaucoup l'inquiétude, voire la dépression, et constituent la contrepartie de ces transformations considérables par leur ampleur et leur rapidité que nous connaissons aujourd'hui dans tous les domaines, en particulier dans ceux de la concurrence économique et du marché de la communication. C'est une des raisons pour lesquelles nous voyons apparaître une floraison d'ouvrages, de méthodes diverses, censées apporter infailliblement à l'individu l'harmonie avec lui-même, la coïncidence avec son être profond. Nous sommes sans cesse sollicités à la recherche d'un bien-être, qui est un « être bien » avec soi-même, avec son corps. Au concept classique de confort, qui mettait surtout l'accent sur la possession de biens facilitant la liberté de l'existence, s'est substituée progressivement la notion d'un confort touchant la personne dans son identité même. Le vocabulaire s'en ressent. Si l'on dit toujours « Jouir d'un certain confort », on emploie aussi l'expression « Je suis confortable », pour marquer cet accord avec soi-même, obtenu par des moyens divers, psychologiques mais aussi corporels, où l'on préfère posséder moins et être mieux.

Nos contemporains se laissent souvent piéger dans ce mouvement général car, si l'on nous propose l'harmonie avec nous-mêmes, c'est aussi pour être plus performants. Le « souci de soi », qui nous est quotidiennement distillé, n'est pas neutre : il flatte le goût de la réussite et du pouvoir accrus. Il joue aussi sur le besoin de plaisir qui s'intensifie à la mesure même où l'homme est toujours plus inquiet et plus tendu dans son