Septembre 1994. Raimon Panikkar (1918-2010) et une disciple milanaise entreprennent le pèlerinage qui culmine dans le rude circuit autour du mont Kailash, dans le Tibet occidental. Lui rappelle brièvement le sens de la démarche : « Chaque pas est le premier et le dernier. » Elle relate plus longuement les difficultés du parcours, les rencontres, les émotions ; elle note leurs conversations, l’évocation de souvenirs, des bribes d’enseignement. Été 1997. Ils se retrouvent pour une retraite d’un mois dans un ashram de l’Inde du Sud. Le Livre de la Voie et de sa Vertu (taoïste) et plus encore le Nuage de l’Inconnaissance nourrissent le silence et les échanges. Le maître invite la disciple à rédiger le récit de son itinéraire. Ce sera « la simple histoire d’un oui. Un oui au flux de la vie divine, qui fait soudain irruption, et par lequel je me suis laissée porter en confiance ». Lui accepte en retour de livrer quelque chose de son parcours, bien qu’il peine à se défaire de sa position d’enseignant. Elle, plus émotive, se montre attentive aux signes, au contenu de rêves : « Tu écoutais avec intérêt et peut-être amusement : une disciple qui ne te demandait jamais d’explications théologiques, mais qui racontait des rêves ! » L’un avec l’autre, l’un par l’autre, mûrissent une relation dans laquelle les limites puissent être reconnues et acceptées.
Juillet-août 2010. Les tout derniers jours de Raimon. Il lui remet ses journaux intimes, les lui donne à lire. Y a-t-il encore un guide ? une dirigée ? Tous deux sont disciples et pèlerins sur la même Voie.
Ces pages ne peuvent se lire que dans l’esprit qui inspira la décision de les publier : « Naturellement, nous nous adressons au lecteur qui ne cherche pas à satisfaire une simple curiosité, mais à celui qui, à son tour, est en chemin et, peut-être, désire être soutenu par l’expérience d’autres pèlerins.

Jacques Scheuer