Rue de Rennes, une femme marche devant moi un enfant dans les bras, trois hommes me dépassent, un Noir balaie les restes d'un cornet de frites, un garçon de vingt ans court au milieu des voitures... La vie de Dieu, là, multiforme, exubérante. « Le Christ, disait Origène, a une telle puissance que, même s'il est invisible, il est présent à tout homme et s'étend à tout l'univers. » L'un a des yeux rieurs, une jeune fille belle comme le jour bat la mesure, ravie par la musique de son baladeur ; un homme sur le trottoir dit qu'il a faim.
Mystère de ces hommes au milieu desquels je vais. Je dis tout bas : « C'est toi, Dieu trois fois saint ; ton mystère en chacun, chacun unique pour toi. » Certains portent une kippa, passent des visages bronzés de Maghrébins, une tunique safran. Les uns te connaissent, sous ton nom chrétien ou sous un autre nom ; d'autres suivent d'autres voies.
Il est vrai que sur le Golgotha tu as donné aux hommes la liberté de croire ou de ne pas croire en Toi 1 ; tu pensais cela bien avant, mais, ce jour-là, tu l'as dit tout haut et de manière définitive. Là, achevant la création, tu as laissé ton Fils mourir sur la croix dans l'abandon, sans donner aucun signe qui contraigne de croire en toi. Tu veux que croire en toi soit une décision de liberté, qu'aucune évidence mondaine n'y contraigne, encore moins la crainte d'être « puni » si l'on refuse de te faire crédit. À tes yeux, ne pas croire en toi est une voie possible d'humanité, aussi bien que celle de croire en toi ; et tu ne cesses pas d'être près de ceux qui ne croient pas en Toi.
Beaucoup ont fait ce choix ou les circonstances ont choisi pour eux, ou