Prés, et trad. A. Louf. Abbaye de Bellefontaine, 2003, 482 p., 25 €.
S'il fallait choisir un livre de nuit, un compagnon d'insomnies ou de ces moments de repos qui, à l'improviste, nous saisissent et nous arrachent à la fuite perpétuelle, il faudrait adopter sans doute ce nouveau recueil de Discours du maître de Ninive, celui qui appelait à prier « même pour les serpents ». Le projet d'Issac le Syrien est simple : l'apprentissage de la liberté spirituelle, et partant de la pleine humanité. Ces discours, sans suite logique évidente, nous conduisent par touches, par déplacements successifs, à travers les « formes extérieures » de la prière que sont la méditation ou la contemplation de l'icône de la croix, vers la prière intérieure et, in fine, vers « la prière au-delà de la prière », un au-delà qui s'éprouve dans la traversée de l'acédie.
Le « labeur de la prière » (labeur nourri par la nécessaire ascèse sans laquelle la prière serait un « aigle qui perd ses plumes ») nous donne de recevoir « sous forme d'arrhes, le royaume dans les sens spirituels », et ainsi de pouvoir montrer « sur terre l'image des biens à venir », à travers le « bel amour des hommes ». La compassion naît de quiétude qui tombe sur l'âme, à l'instar, nous dit Isaac, du sommeil mystique de l'Adam paradisiaque : « Où que tu sois, sois solitaire dans ta conscience, seul et étranger dans ton cœur. »
La prise de conscience de sa fragilité, le repentir qui fait de nous « un martyr vivant », nous ouvrent au monde intérieur, dans un mouvement qui est tout à la fois (selon la polysémie du mot syriaque utilisé par Isaac) « dépasser » et « mourir ». Libéré de la peur des faiblesses des hommes, toute chose nous paraît œuvre infinie de la miséricorde de Dieu, y compris, nous dit le maître spirituel en des pages paradoxales, la Géhenne.
Au sein de ce long recueil (une longueur nécessaire à la durée requise par l'initiation), il convient de détacher les Quatre centuries qui récapitulent avec une densité rare les grands traits de la vision spirituelle d'Isaac le Syrien. À cette vision, l'introduction subtile de dom André Louf est précieuse, notamment par l'excellent lexique qui à lui seul pourrait être un petit guide spirituel. Une édition remarquable en tout point, qui nous offre un ouvrage majeur de la tradition.
S'il fallait choisir un livre de nuit, un compagnon d'insomnies ou de ces moments de repos qui, à l'improviste, nous saisissent et nous arrachent à la fuite perpétuelle, il faudrait adopter sans doute ce nouveau recueil de Discours du maître de Ninive, celui qui appelait à prier « même pour les serpents ». Le projet d'Issac le Syrien est simple : l'apprentissage de la liberté spirituelle, et partant de la pleine humanité. Ces discours, sans suite logique évidente, nous conduisent par touches, par déplacements successifs, à travers les « formes extérieures » de la prière que sont la méditation ou la contemplation de l'icône de la croix, vers la prière intérieure et, in fine, vers « la prière au-delà de la prière », un au-delà qui s'éprouve dans la traversée de l'acédie.
Le « labeur de la prière » (labeur nourri par la nécessaire ascèse sans laquelle la prière serait un « aigle qui perd ses plumes ») nous donne de recevoir « sous forme d'arrhes, le royaume dans les sens spirituels », et ainsi de pouvoir montrer « sur terre l'image des biens à venir », à travers le « bel amour des hommes ». La compassion naît de quiétude qui tombe sur l'âme, à l'instar, nous dit Isaac, du sommeil mystique de l'Adam paradisiaque : « Où que tu sois, sois solitaire dans ta conscience, seul et étranger dans ton cœur. »
La prise de conscience de sa fragilité, le repentir qui fait de nous « un martyr vivant », nous ouvrent au monde intérieur, dans un mouvement qui est tout à la fois (selon la polysémie du mot syriaque utilisé par Isaac) « dépasser » et « mourir ». Libéré de la peur des faiblesses des hommes, toute chose nous paraît œuvre infinie de la miséricorde de Dieu, y compris, nous dit le maître spirituel en des pages paradoxales, la Géhenne.
Au sein de ce long recueil (une longueur nécessaire à la durée requise par l'initiation), il convient de détacher les Quatre centuries qui récapitulent avec une densité rare les grands traits de la vision spirituelle d'Isaac le Syrien. À cette vision, l'introduction subtile de dom André Louf est précieuse, notamment par l'excellent lexique qui à lui seul pourrait être un petit guide spirituel. Une édition remarquable en tout point, qui nous offre un ouvrage majeur de la tradition.