Vous me demandez de vous faire partager mon expérience de père spirituel. Dans mes jeunes années, je posai la même question à l'un de mes anciens : « Je ne sais pas comment je fais », me dit-il. Ce fut la seule réponse que j'obtins. C'était un sage ; ne l'étant pas, je vous réponds.

Toutefois, ma réponse ne comporte aucun enseignement, ni même des conseils. Elle exprime, sous une forme assez libre, quelques points d'une expérience et dans la mesure seulement où cette expérience concerne les gens sortis de l'âge sinon des séquelles de l'adolescence. Elle envisage l'aide spirituelle du côté du dirigé, puis du directeur, mais sans grand souci d'ordonnance.

Ce mot de direction est d'ailleurs aussi détestable que classique. Nous n'avons pas, en effet, à imprimer de direction à quelqu'un, contrairement à ce que pense, avec bien d'autres, l'actuel Grand Larousse encyclopédique ! Mais prenons le vocabulaire tel qu'il est.

Vous avez déjà observé que votre travail de directeur spirituel présentait, en regard de l'éducation de masse, un type artisanal, que certains estimeraient vite d'un luxe démodé. Les parents, eux, tout occupés de leurs enfants, comprendront sans peine qu'un homme est, dans son originalité, plus précieux que toute œuvre d'art et singulièrement plus difficile à réussir qu'un chef-d'œuvre pictural !

Dans ce travail d'artisan, vous ne pourrez aider qu'un nombre restreint de personnes, tout comme le médecin, débordé de consultants, ne pourra s'occuper à fond que de quelques-uns. Aussi est-il désirable que les principes de la vie spirituelle soient enseignés collectivement, et les entretiens réservés aux problèmes personnels.

Faire exister

Lorsqu'un homme vient me demander de le conseiller dans sa vie spirituelle, il est poussé par un désir de mieux faire. Il voudrait apprendre à prier, comprendre les sacrements, sortir de ses difficultés. En quelque manière, il est insatisfait. Mais la raison qu'il donne de sa venue n'est peut-être pas la raison qui, tout en demeurant cachée, le meut dans les profondeurs : la question qu'il pose sur sa vie spirituelle n'est peut-être pas la question dernière qui se pose. En quel point son désir est-il insatisfait ? De prime abord, on ne peut le