Une histoire qui n'est pas celle d'un long fleuve tranquille. D'autant qu'elle ne peut être comprise que dans le contexte d'une histoire plus globale. Ainsi, par exemple, celle de la suppression de la Compagnie en 1773 et de sa restauration en 1814, lors de la montée des nationalismes européens. Un certain silence sur ces événements douloureux s'est aujourd'hui dissipé et les études récentes ont permis d'en mieux comprendre les tenants et aboutissants. C'est ce que réalise cet excellent petit ouvrage du grand historien jésuite américain, John O'Malley, à qui nous devons aussi, chez Lessius, d'autres remarquables études sur les conciles de Trente (2013) et Vatican II (2011), une Histoire des jésuites (2014) comme une Histoire des papes (1970).

Sont ainsi mis en relief, en quelques traits vifs et précis, les principaux moments qui ont marqué cette histoire : Ignace et les papes de son temps, les débats théologiques sur la grâce et la liberté, le jansénisme, la crise des rites chinois, les Réductions en Amérique latine. Puis, après la restauration de la Compagnie (dont le cours, souligne l'auteur, n'a jamais été totalement rompu), l'ultramontanisme, le modernisme et plus récemment les tensions concernant le rapport entre justice et foi, les théologiens de la Libération et le gouvernement du père Arrupe.

Avec objectivité et compétence, l'auteur narre les péripéties d'une histoire qui est aussi celle d'une Église insérée dans un monde en crise, une histoire grave, certes, mais qui se lit, par la grâce de l'auteur, comme un roman où s'articulent tensions et dénouements. C'est l'art du grand historien de captiver son lecteur et d'en dire beaucoup en peu de pages. Merci aux traducteurs de nous avoir transmis ce texte dans un français élégant et fidèle.