Je repensais à la lettre de saint Paul à Philémon l'été dernier, quand le pape nous a demandé de prendre une journée de jeûne et de prière à la suite des révélations qui venaient de secouer, une fois de plus, l'Église américaine. Je m'y étais prêté de façon un peu distanciée parce que, au fond, comme vous tous certainement, je ne peux éprouver aucune forme de solidarité avec des abuseurs d'enfants : leur crime m'est proprement incompréhensible. Mais une expression du pape est venue titiller ma certitude d'être dans le camp du bien : « abus de conscience ». Je n'ai jamais, Dieu merci, été tenté de m'en prendre à l'innocence d'un enfant, mais je perçois mieux en revanche combien la frontière de la conscience de l'autre est fragile, et combien il est aisé de la saccager. Et, là-dessus, ma bonne conscience à moi se trouve sur un terrain nettement plus fragile. Dans l'accompagnement d'adultes ou de jeunes, dans le sacrement de la réconciliation, dans mes petites responsabilités dans la formation des frères aussi, ai-je toujours approché avec crainte et tremblement le sanctuaire inviolable et sacré de la conscience humaine ? Si je n'ai pas mis en place de système d'abus généralisé, je ne suis pas certain d'avoir toujours fait grandir la liberté de ceux qui s'ouvraient à moi. Je ne le dis pas pour me frapper la poitrine, mais cela m'oblige à un examen de conscience régulier, peut-être quotidien.
C'est délicat parce que, dans ces domaines si sensibles, nous