Le respect de Dieu
Un premier exemple vient à l'esprit, très connu : Moïse au buisson ardent (Ex 3). La rencontre de Dieu commence ici dans la crainte. La même expérience saisira les fils d'Israël lors de la grande théophanie du Sinaï : tonnerre, éclairs provoquent la crainte et la terreur — une terreur sacrée. Alors qu'il voulait s'approcher du buisson pris dans une flamme de feu, Moïse est retenu de le faire pour se tenir à une juste distance. Comme s'il y avait une limite à ne pas franchir, ou à ne franchir, du moins, qu'en étant suffisamment défait, dénudé : Moïse doit quitter ses sandales, avancer nu-pieds. Et lorsque Dieu a commencé de parler, de se dévoiler lui-même, Moïse se voile le visage, « car il craignait de regarder Dieu ». Cette crainte-là ne relève pas de la peur : c'est une retenue. Certes, on peut avoir peur de regarder un visage — visage de colère, visage menaçant, visage où se lit la vengeance. Mais la face de Dieu n'est sûrement pas de cette sorte : elle ne provoque pas de soi la peur, les Psaumes en témoignent abondamment (11,7 ; 31,17, etc.). Non, Moïse manifeste de la retenue en évitant de fixer son regard sur Dieu. Car il y a manière et manière de regarder le visage de quelqu'un. Le regard est immédiat, sans intermédiaire, et par là tenté de saisir, maîtriser, ou pire parfois : mépriser. Si la rencontre de Dieu commence dans la crainte, si l'entrée en relation avec l'immensité divine et son absolue altérité peut provoquer la crainte, Moïse apprend ici quelques gestes élémentaires du respect : tenir une juste distance, retenir le regard.
Le visage d'une personne est immédiatement accessible, et il nous livre à nu son intimité et son mystère, comme nous l'a appris Levinas. L'accès au mystère de l'autre nous est offert en son visage, et aussi en son nom. Dans la Bible, le nom de Dieu sera aussi l'objet d'un gra...
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