Qu’y a-t-il à l’origine de la pédagogie ignatienne qui puisse expliquer le succès fulgurant des collèges jésuites au milieu du XVIe siècle et sa fécondité étonnante ? À coup sûr, la capacité qu’ont eue les premiers jésuites de percevoir les transformations profondes de leur époque et de répondre aux attentes d’un monde en mutation en les portant à l’expression, en en déduisant des lignes concrètes d’action, et en mobilisant des personnes s’engageant dans la tâche éducative. Dans son introduction au Ratio studiorum de 1599, le père Demoustier rappelle ce contexte :
La société européenne du XVIe siècle connaît une accélération du mouvement qui la fait passer d’une culture principalement orale à une culture où domine la pratique de l’écrit et de la lecture mentale visuelle. La commercialisation du livre imprimé en est le signe et l’instrument. Désormais, celui qui n’a pas l’usage opérationnel de la lecture et de l’écriture est étranger aux dynamismes économiques, sociaux et politiques1.
Et si notre XXIe siècle commençant, marqué par la difficulté de la transmission et la crise de la culture, nous situait au cœur d’une « renaissance » à penser et à construire ? Et si la fidélité aux origines nous obligeait à nous rendre attentifs aux mutations de notre monde pour discerner des attentes nouvelles et des défis pédagogiques renouvelés ?
Surmonter la brèche entre passé et avenir
Or il semble évident qu’un des accélérateurs les plus puissants des changements économiques, sociaux et culturels dans lesquels nous sommes pris est à chercher dans la « révolution numérique » : sous l’effet des nouvelles technologies, des pratiques inédites de communication, d’accès au savoir et de socialisation se développent à grande vitesse, spécialement dans les jeunes générations, modifiant profondément le rapport au temps et à l’espace, les manières de construire son