« L'Évangile pour tous » : beau programme. Mais si l'on se tourne vers ce qui se passe en fait, il semble bien se heurter à des difficultés profondes. Difficultés externes, sans doute : que ce soit la « civilisation moderne », pas toujours accordée à l'esprit évangélique (c'est le moins qu'on puisse dire) ; ou bien la critique menée en Occident contre le christianisme ; ou bien l'opposition de peuples ou de cultures à ce qui leur paraît, précisément, comme « la religion de l'Occident » ; etc.

Doutes sur l'universalité de notre foi

Mais il y a aussi des difficultés internes qui se ramènent finalement à ceci : bien des chrétiens doutent que leur foi ait un sens et une vérité vraiment universels. Ce n'est pas toujours un doute affiché ni même conscient. Il se dit plutôt par un sens si vif de la relativité des choses chrétiennes, doctrine, rite, morale, et un tel souci de reconnaître la « différence » du judaïsme, de l'islam, etc., que la conclusion non dite s'impose peu à peu : le christianisme est une tradition spirituelle éminente et, de toute façon, c'est la nôtre. Il n'est pas question de l'abandonner au profit d'un exotisme facile ou d'un syncrétisme illusoire ; nous avons plutôt à être aussi bons disciples du Christ que nous pouvons, dans notre « spécificité ». Mais prétendre que cette foi puisse être nécessaire à tout homme pour « faire son salut » semble relever du pur « triomphalisme ».

Pourtant, si l'on ôte du christianisme la dimension universelle, il devient incohérent. L'Évangile n'est Évangile que s'il est pour tous. Il ne définit pas la religion d'un peuple. Il n'est pas un chemin de sagesse proposé parmi d'autres. Il est l'annonce, qui concerne tout homme, du salut donné par Dieu dans son Verbe fait chair ; il est le recommencement de la Genèse, où Jésus Christ, nouvel Adam, inaugure à nouveau l'Humanité. Ôtez cela, et le Nouveau Testament devient incompréhensible – ou absurde.

Si donc quelqu'un prend au sérieux l'Évangile du Christ, il ne lui sera pas si facile de le « relativiser ». Disons-le : la simple honnêteté de pensée interdit de méconnaître ce que, dès son origine, la foi chrétienne a perçu comme essentiel à ce qu'elle est.

Le sens du Christ, c'est l'amour – la charité – qui, de soi, est par excellence l'universel concret. Et comment la « charité » vient-elle en ce monde de tristesse et de haine, sinon par la croix et la résurrection du Christ, exode de toute l'Humanité, où elle passe du royaume de la mort au royaume de la vie ?

Comment atténuer cela, sans que la foi se dissipe ? Mais, aussi bien, comment le