L' Ecclésiaste, Qohélet en hébreu, fut un maître de sagesse en son temps. De son propos, le lecteur moderne ne retient I bien souvent que le rappel litanique de l'universelle vanité de toutes choses et, impressionné par le pessimisme diffus qui semble se dégager de ce livre biblique, il peut le refermer en se disant : « À quoi bon, puisque tout est vanité en ce bas monde ! » Son relativisme général en est conforté, en même temps que son peu de goût et d'allant pour évacuer l'engourdissement qui l'habite quant au désir religieux ou spirituel. Pourtant, s'il y regarde d'un peu plus près et dépasse l'étrange impression de fatalité laissée par le leitmotiv sur la vanité, le lecteur sent bientôt son attention éveillée par une série de questions lucides et décapantes qui émanent de ce livret, et qui, somme toute, peuvent se résumer en une seule : « Que vaut la vie alors que le mal existe ? » L'esprit critique mis en alerte par ce questionnement qui résonne de manière très existentielle à ses oreilles, le lecteur engage alors avec Qohélet un véritable dialogue, d'où il ressortira éreinté, certes, mais étonné aussi, car, il faut bien le dire, l’œuvre de ce sage juif du IIIe siècle avant notre ère ne laisse personne indifférent 1. En effet, qu'il soumette l'intelligence croyante à une épreuve de vérité ou qu'il interpelle l'agnostique sur son propre terrain, Qohélet suscite en profondeur une réaction qui pousse l'indifférence hors de sa tanière. Devant la modernité et l'acribie de ses propos, il faut se positionner : l'indolence n'est plus de mise.
Cette contribution, issue d'une longue réflexion doctorale sur ce livre vétérotestamentaire 2, n'a pour but explicite que d'éveiller en chacun le désir de lire et goûter ce remarquable petit livre sapiential, dont la profondeur ne laisse pas de surprendre et dont