Obscurcissement du jugement personnel, tentation de vouloir universaliser ses propres normes, prurit de légiférer et judiciarisation de la vie sociale, l'homme contemporain a du mal avec la vérité, au sens de « faire la vérité ». Il semble le vouloir pour les autres quand, jour après jour, la presse évoque la traque des faits délictueux, l'abus de biens sociaux, la prise illégale d'intérêts... Dans le même temps, tout rappel de vérités passe pour une critique du comportement personnel et est dénoncé comme une volonté de retour à l'ordre moral.
Comment fonctionne donc cet individu si soupçonneux à l'égard des autres et si tolérant envers lui-même ? L'hypothèse en filigrane de cette réflexion est que la crise d'identité des citoyens en situation précaire dans des sociétés complexes et changeantes est à l'origine du surinvestissement stratégique, de la propension à universaliser son propre jugement et à occulter l'expérience de soi. Autant d'occasions de mensonges et de causes de la perte de confiance dans la capacité de faire la vérité, de s'entendre sur les normes et d'accéder à sa propre humanité.

L'ambivalence des organisations collectives


À une époque où chacun est renvoyé à la responsabilité de sa propre construction identitaire — sans pouvoir toujours s'appuyer sur les facteurs innés de l'identité du fait de la faible pertinence des repères hérités, et sans aptitude suffisante à l'intériorité pour s'assurer solidement sur le socle de son être —, le plus évident, pour s'autodéfinir, est de s'en remettre à ses rôles sociaux, notamment son rôle