Cerf, coll. « Théologies », 1998, 734 p., 250 F.

Après sa trilogie Théologie symbolique (Téqui, 1978), Théologie affective (Cerf, 1984) et Précis de théologie spirituelle (Cerf, 1986), l'ex-doyen de l'Institut de spiritualité de la Grégorienne nous livre maintenant les résultats de la connaissance pointue qu'une vie de recherche et d'enseignement lui a donnée de l'ensemble de la mystique chrétienne. But avoué, cependant : « Non pas présenter une impossible histoire de la mystique, mais introduire à la compréhension de la doctrine mystique. » Au service de ce but, une pédagogie qui excelle à nous offrir les bonnes clefs de lecture. Après le tome 1, Les voies de l'intériorité (cf. Christus, n° 162, avril 1994, pp. 218-219), qui privilégiait, avec des auteurs comme Bonaventure, Thérèse d'Avila ou lean de la Croix, la description de l'itinéraire mystique et de ses grandes étapes, le présent tome regroupe les mystiques qui, moins réflexifs dans leur approche, intéressent davantage par l'objet de leur contemplation : le mystère du Christ, dont ils recherchent passionnément l'imitation.
Le parcours intégré opère des regroupements significatifs. Le chapitre 1 présente à la fois les martyrs primitifs et ceux du Canada. Les cinquante pages consacrées à saint Bernard sont suivies de deux chapitres dédiés l'un à François d'Assise et l'autre à sa disciple Angèle de Foligno. Cette dernière introduit au problème des visions imaginatives telles qu'on les rencontre chez de grandes figures médiévales comme Julienne de Norwich et Hildegarde de Bingen. Le chapitre 6 étudie le problème mystique de la méditation contemplative de la vie de lésus, et tout spédalement de sa Passion, tel qu'il s'est historiquement présenté de Ludolphe le Chartreux à Ignace de Loyola, en passant par Suso — introduisant excellemment à la mystique du Coeur de Jésus, qui se déploie en des personnalités aussi diverses que Gertrude d'Helfta, Jean Eudes ou Marguerite-Marie Avant de clore sur la « mystique de lésus » représentée par Thérèse de Lisieux, la signification de l'école bérullienne ne s'édaire que par comparaison avec la « mystique spéculative médiévale » d'Eckhart et Ruusbroec. Une telle approche comparative a l'avantage de faire saillir ce que chaque auteur comporte de vraiment original. Une longue familiarité du père Bernard avec le langage aussi bien des mystiques que des spéculatifs lui permet d'avoir une approche bienveillante propre à désamorcer les querelles anciennes (par exemple, dans le cas d'Eckhart). Un regret : que François de Sales, auquel la théologie de l'amour doit tant, n'ait pas trouvé place ici, à moins qu'il ne nous soit réservé pour le ttoisième tome où la présentation des mystiques apostoliques (Ignace de Loyola, Catherine de Sienne, Marie de l'Incarnation, etc.) viendra prochainement couronner ce maître ouvrage qui fera longtemps référence dans le domaine encore mal exploré de la théologie spirituelle.