« Personne ne peut en cette vie combler son désir, jamais rien de créé ne rassasie le désir de l'homme Dieu seul rassasie, et au-delà, à l'infini. C'est pourquoi on ne se repose qu'en Dieu, comme le dit saint Augustin : " Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre coeur est sans repos jusqu'à ce qu'il se repose en toi " » 1. L'inquiétude est l'insatisfaction de l'homme qui ne s'apaise qu'en Dieu. C'est bien dans ce sens que Blondel la conçoit. Nous en trouvons une expression récente dans l'Exhortation sur l'Evangile de la vie : « L'origine divine de cet esprit de vie explique l'insatisfaction perpétuelle qui accompagne l'homme au cours de sa vie. Créé par Dieu, portant en lui-même une marque divine indélébile, l'homme tend naturellement vers Dieu. Quand il écoute l'aspiration profonde de son coeur, l'homme ne peut manquer de faire sienne la parole de vérité prononcée par saint Augustin : " Tu nous as faits... " » (n° 35).
Il n'est pas étonnant de retrouver Blondel à ce carrefour augustinien, lui qui a témoigné attachement et admiration à l'évêque d'Hippone, inspirateur également de son compatriote dijonnais, saint Bernard de Clairvaux. C'est un thème récurrent qu'on répète à satiété : que peut apporter de neuf en ce domaine un philosophe comme Blondel ? Rien dans l'inspiration ; tout dans l'explication. En effet, l'originalité de Blondel est de faire sienne l'intuition augustinienne, comme beaucoup d'autres, mais de la déployer, de la déplier, de l'expliquer, de parcourir les nombreuses étapes qui conduisent inéluctablement l'homme jusqu'à Dieu. Nul en dehors de lui n'a présenté ce parcours. Beaucoup ont entrevu le chemin ; personne n'a tracé l'itinéraire
Il ne saurait être question de recourir à l'immense oeuvre du philosophe d'Aix pour traiter ce sujet. Il suffît de s'appuyer sur L'Action 2 de 1893, reprise intégralement dans la trilogie de 1936, avec quelques modifications qui ne changent rien à la marche d'ensemble Le mot « inquiétude » est peu employé pendant les trois cents premières pages de l'ouvrage Le dilettante la fuit en se divertissant. Pour d'autres, l'action est l'emploi déterminé de forces vives, en vue d'un plaisir ou d'un intérêt, sous l'influence d'un besoin, d'une idée ou d'un rêve sans dessous inquiétants. Mais on n'arrive pas à esquiver l'inquiétude du problème moral : oui ou non la vie a-t-elle un sens, et l'homme une destinée ? Un secret mouvement de notre volonté pose inévitablement la question. Nous éprouvons le besoin de combler l'intervalle entre ce que nous sommes et ce que nous voulons être L'inquiétude se glisse entre l'infini de l'idéal que l'on vise et la finitude de l'objet que l'on rencontre.
L'infini recherché ne sera qu'une idole si « on ne s'en étonne plus comme d'une inexprimable nouveauté, et si on le regarde du dehors comme une matière de connaissance ou une simple occasion d'étude spéculative sans jeunesse du coeur ni inquiétude d'amour ». « C'est du caractère total de la vie totale de chacun que chacun est amené à s'inquiéter. Une inquiétude une naturelle aspiration vers le mieux. » L'inquiétude religieuse travaille toujours l'homme. La conscience n'arrive pas à décréter qu'elle est en sécurité et sans inquiétude. C'est au contraire un sentiment salutaire qui tient l'homme en marche et en recherche. Le rôle du philosophe est d'en présenter la logique en montrant, à partir de ce que l'homme fait, ce qu'il veut faire ; à partir de ce qu'il pense apparemment, ce qu'il pense implicitement ; à partir de ce qu'il est, ce qu'il veut être. L'inquiétude remplit l'intervalle entre l'aspiration et la réalisation.
 

LE DÉPLOIEMENT DE L'INQUIÉTUDE


Blondel déploie en neuf ondes le champ de l'inquiétude qu'il est possible de répartir en trois moments, centrés respectivement sur les trois niveaux du moi : 1. Le moi sensible qui nous tient en rapport avec le monde extérieur ; 2. Le moi transcendantal qui nous fait prosperter notre monde intérieur ; 3. Le moi absolu qui nous tient ouverts sur le transcendant. L'inquiétude est la force irrépressible qui nous fait passer d'un niveau à l'autre. Elle a une saveur psychologique au niveau inférieur ; une tonalité éthique au deuxième ; une dimension religieuse, spirituelle et mystique au troisième.
 

Le moi sensible


Partant d'une constatation la plus extérieure, nous voyons que l'homme est en contact avec les choses de ce monde par l'intermédiaire des sens. Ce monde, il cherche à le connaître en recourant aux sciences. La science des objets le renvoie à la confrontation impérative du sujet. L'inquiétude nous déloge de ce monde extérieur pour nous ramener de force à notre monde intérieur.
En effet, dans le monde, l'homme n'est pas inerte. Il agit, et l'action le met en prise directe avec les phénomènes. D'où la tentation de Condillac et de ses disciples de vouloir tout expliquer par les sensations. Mais la sensation n'existe qu'en tant que ressentie, lorsqu'elle est perçue par le sujet. De plus, elle n'est jamais la réplique exacte du phénomène. Nous cherchons sans cesse à mieux connaître l'objet de notre prise. D'où le recours à la diversité des sciences. Les sciences expérimentales régnent sur la nature ; les mathématiques sur les calculs. Toutes deux collaborent dans la physique et la technique. Les équations semblent plier le monde sous leurs lois. La preuve en est qu'on atteint la lune uniquement à partir de calculs élaborés a priori.
En fait, les sciences réussissent mais n'expliquent pas les postulats sur lesquels elles se fondent. Les mathématiques présupposent que le réel est rationnel : son postulat est donc la rationalité. Les sciences expérimentales, la biologie, conçoivent l'univers comme un tout homogène et pense sa croissance à la manière d'un être humain : leur postulat est donc l'idée de totalité.
Ces deux sortes de science s'établissent sur des hypothèses. Comment pourraient-elles révéler le sens certain de la vie ? Par ailleurs, elles élaborent des hypothèses successives qui s'améliorent avec le temps. Ce qui montre qu'aucune d'elles n'arrive à rejoindre exactement la réalité. De plus, pour comprendre le réel concret les mathématiques idéalisent en le chiffrant ; la biologie l'uniformise en le totalisant. On passe du qualitatif au quantitatif, du concret à l'abstrait, du singulier à l'universel, sans justifier ce passage. Enfin et surtout, les sciences n'expliquent pas le sujet qui les élabore. Elles approfondissent la connaissance du monde, mais pas la connaissance du moi qui donne sens au monde. La pratique de la science conduit à la science de la pratique et de la vie de l'homme. C'est beau de connaître l'univers qui nous entoure. Mais cette connaissance nous apprend très peu sur l'univers que nous portons en nous. Et tant que ce monde intime ne sera pas découvert, nous n'aurons pas la paix
 

Le monde intérieur


Il y a des siècles qu'on a vu en l'homme un microcosme qui reflète le grand. En lui se récapitule le monde minéral, végétal, vivant. Les tendances sont des instincts devenus conscients, c'est-à-dire des mobiles. Les rayons qui éclairent ces mobiles sont les motifs. L'action humaine est toujours guidée par des motifs et des mobiles. Toute action humaine est une comparaison avec d'autres actions possibles. La comparaison entre ces diverses actions s'appelle la réflexion. La possibilité de choisir entre diverses actions engendre la conscience de la liberté. La liberté prend en charge le mouvement spontané pour le convertir en action réfléchie. Elle le fait en suivant un élan intérieur qui l'anime une sorte de loi immanente, le dynamisme de la volonté voulante
Le premier obstacle auquel la volonté se heurte, c'est le corps. Mon corps résume le monde et m'enracine en lui. Son intervention incame mes choix et décisions. Ce va-et-vient entre le dynamisme de la volonté et la résistance du corps engendre lassitude et fatigue. C'est pourquoi le travail est aussi une passion qu'on endure. La volonté, il s'en faut ne réalise pas toujours ce qu'elle envisage. Mais c'est l'action tout de même qui unifie le sujet. Elle l'unifie et le projette hors de lui par son oeuvre qui est un signe adressé à l'entourage. Elle est notre ambassadrice auprès des autres, une confidente indiscrète qui parfois nous trahit, mais qui se mêle à l'action des autres en une sorte de coaction et de coopération. Qu'on le veuille ou non, notre oeuvre exerce une influence et se détache de nous pour mener sa propre vie.
Le sujet ne se contente pas de côtoyer les autres, il désire entrer dans leur intimité : « Là, dans ce besoin et cette volonté, réside le secret du mystère de l'amitié. » Elle se distingue de l'amour qui, lui, se veut unique, exclusif, étemel, indissoluble, dans le mariage. La fin de l'amour n'est pas l'amour mais la famille, premier groupe naturel où la vie prend naissance et accroissement. L'inquiétude ne laisse pas l'individu à son isolement. Son action le rend solidaire. L'élan de son coeur lui fait chercher l'amitié, l'amour, la famille. L'enfant franchit très tôt les frontières de la famille pour découvrir la société, la patrie, « ce nom qui n'a pas de pluriel » 3, qui ne se referme pas sur lui-même mais s'ouvre sur l'humanité. Je suis ainsi poussé vers de nouveaux rivages. Est-ce que l'inquiétude atteint enfin le port aux confins de l'humanité ? Non ! Elle va soulever l'homme vers le monde moral, qui ne se contente pas de ce qui est mais cherche ce qui doit être et qui, à travers le réel, aspire à l'idéal.
Les hommes ont toujours cherché l'absolu dans les plaisirs des sens, dans les sciences, la société, dans l'amour, l'art ou la morale. Vain espoir de trouver l'infini dans le fini. L'homme veut plus que ce qu'il a trouvé jusqu'ici. Il veut ce qui est la source même de sa volonté. Il cherche l'inconnu qui lui donne le vouloir et le faire.
 

Le monde supérieur


Le principe de l'action voulue n'est ni connu ni voulu. Nous voulons, mais nous n'avons pas voulu vouloir. Nous voulons, mais rien ne nous contente. Alors, on se divertit pour oublier. L'Action montre dès le départ, contre tous les dilettantes, que la vie n'est pas un jeu mais un enjeu. Le développement de l'action semble aussi un échec. Le spectacle de la souffrance, du mal, de la mort, s'étale. Les philosophies de l'absurde, de la révolte fleurissent. Mais aurait-on le sentiment de l'échec sans une aspiration plus haute ?
La fin de l'action, à son tour, paraît souligner son aspect négatif. Toute limitée qu'elle est, elle s'inscrit à jamais dans la trame de l'histoire Je ne puis la changer : c'est elle qui me change. Est-ce que finalement, on aboutit à l'impasse ? Pourtant, l'élan de la volonté voulante est indestructible En effet, le principe de l'action est connu au moins implicitement, car nous n'aurions pas le sentiment de contrainte sans celui de la liberté. Le développement de l'action est voulu, car si rien ne me contente, c'est que je veux plus que ce qui est. La fin, la volonté ne la trouve pas en elle-même : il lui faut la chercher hors du monde naturel, hors du monde humain.
Le principe de l'action, condition de l'achèvement humain, n'est rien de ce qui est, c'est l'Unique nécessaire toujours au-delà de ce que l'homme trouve mais qu'on ne peut s'empêcher de chercher. Il est celui en qui toutes choses se fondent et se développent. Le contingent ne se suffit pas et ne suffit pas à la volonté. La fin du monde n'est pas lui-même : nous l'avons expérimenté. Elle s'enracine dans le monde mais n'y trouve pas son achèvement. L'Unique nécessaire auquel nous aspirons n'est pas une idée, car toute la démarche antérieure est une expérience vécue. Ce n'est pas une réflexion abstraite mais un itinéraire parcouru. C'est donc à un Vivant que l'homme est finalement confronté ; ce Vivant qu'il n'aurait pas cherché s'il ne l'avait déjà anonymement trouvé. Il lui appartient maintenant d'accepter ses exigences ou de les refuser. Ce redoutable privilège de la liberté est de pouvoir refuser le bien qui la comblerait.
L'option naturelle qui comble l'inquiétude est positive. Mais l'objet découvert est surnaturel. L'homme ne se le donne pas. Il lui est nécessaire en même temps qu'inaccessible, parce que surnaturel. S'il existe, il est sage de l'accueillir. Existe-t-il réellement ? La philosophie à elle seule ne peut pas le savoir. Mais si l'homme est décidé à apaiser l'inquiétude, il lui faut chercher le surnaturel dans le monde où il se trouve, c'est-à-dire non pas dans le monde à sa portée, mais dans celui qui le dépasse, à savoir la religion. En effet, dans la religion, Dieu se révèle, il se découvre, il va à la rencontre de qui marche vers lui. Il se manifeste par des miracles ; il présente une doctrine ; il propose le salut. Il prend figure dans un médiateur qui est voie vérité et vie. A l'homme de franchir le pas par un acte de foi. C'est dans le Dieu vivant que l'inquiétude s'apaise
 

VOLONTÉ VOULANTE ET VOLONTÉ VOULUE


Ce qui est frappant dans la réflexion de Blondel, c'est qu'il parcourt les étapes de l'inquiétude humaine jusqu'à son apaisement. Pour ce faire, il élabore une logique dynamique entre la volonté voulante et la volonté voulue. Ainsi, il édifie une philosophie de l'inquiétude humaine qu'on ne trouve nulle part ailleurs. Remarquable illustration de la collaboration entre la raison et la foi.
 

Des étapes vers l'absolu


La volonté voulante, cet élan de notre être qui nous pousse toujours plus loin, parcourt tous les domaines qui lui sont accessibles. Elle tente de se rejoindre et de satisfaire tous les désirs dans les sciences, capables, selon les positivistes, de résoudre tous les problèmes. Mais la pratique des sciences n'éclaire nullement la science la pratique, c'est-à-dire la morale qui s'interroge sur le sens de la vie du sujet. La science du sujet découvre la réflexion, ce retour de la vie sur elle-même la liberté, cet incroyable pouvoir qu'a l'homme de prendre en main son existence. Mais cette liberté n'est pas sans limites, comme l'ont a u certains. Elle se heurte à des obstacles dont le premier est le corps, par lequel le vouloir s'incarne et qui me dessine comme individu.
Le corps, sa pesanteur et les passions qui l'habitent, freinent l'élan spirituel. L'action fait la synthèse de l'organique et du spirituel en me mettant en relation avec les autres. Les relations qui se tissent me constituent comme personne. Mes actions sont un langage que les collaborateurs comprennent. Plus encore que la collaboration, je cherche la compréhension, la communion, l'intimité, l'amitié, l'amour le plus souvent dans un foyer. L'inquiétude ne peut se satisfaire que grâce au pain de l'amour. Cependant, l'élan de l'amour est proprement infini. Il franchit les frontières de la petite patrie et de la grande, et même celles de l'humanité. Il lui faut s'élever dans le monde des valeurs : le vrai, le bien, le beau. Il cherche infiniment tant qu'il ne trouve pas l'infini dans le domaine des religions, en particulier du christianisme.
On ne se donne pas l'infini : c'est l'infini qui se donne qui se manifeste dans la Révélation et dans Celui qui la récapitule, le seul médiateur entre la raison et la foi, entre la lettre et l'esprit, entre le fini de toute action et l'infini de son retentissement, entre l'exiguïté de mon engagement et l'immensité de sa portée. L'inquiétude s'appuie sur le fini contingent pour bondir vers l'absolu qui la hante.
 

Une logique rigoureuse


La plupart des auteurs considèrent l'inquiétude comme un vague sentiment, un frémissement de la sensibilité, un désir psychologique que rien ne peut assouvir. Blondel est le seul à montrer qu'elle guide et inspire une logique rigoureuse, un dynamisme cohérent entre volonté voulante et volonté voulue.
La volonté voulante est indéfiniment prospective, ouverte sur l'avenir, animée d'espérance La volonté voulue s'efforce de capter cet élan infini dans les limites d'une action. Ce peut être la science ou le monde extérieur, la science de la conscience, de la personne, de la famille, de la société, ou encore la morale, l'art, la métaphysique, les religions, le surnaturel. Mais chaque fois que la volonté voulue est tentée de s'enclore dans un de ces domaines, elle est entraînée en avant par la volonté voulante : du monde naturel au monde scientifique ; du monde de la science à celui de la conscience ; du monde de la conscience à celui de la personne ; du monde de la personne à l'univers social ; de l'univers social à la sphère du transcendant ; de la sphère du transcendant aux rives du surnaturel.
Il s'agit d'une philosophie, car Blondel n'a jamais voulu être autre chose que philosophe. En conséquence, il ne faut pas attendre de lui une exhortation sur l'inquiétude, sur ses méfaits ou sa grandeur. Sa philosophie montre que, pour que le moi sensible rejoigne le moi absolu, il lui faut parcourir le champ de l'investigation humaine. Dieu n'est pas donné au départ mais au terme d'un long parcours. Ou bien, si l'on préfère, Dieu est la force anonyme qui propulse et qui révèle son identité au terme du cheminement. « Tu ne me chercherais pas si tu ne m'avais déjà trouvé. » Méthode philosophique qui écarte progressivement tous les essais de solution pour confronter à la seule qui reste. L'inquiétude tente de s'assouvir au cours de multiples étapes dans des objets limités. Mais il lui faut l'illimité.
 

De l'inquiétude à la foi


Dans l'encyclique Fides et ratio, il est permis de discerner une allusion à Blondel comme représentant de la reprise de la pensée philosophique dans la culture d'inspiration chrétienne. Il est question de  « philosophe catholique qui, partant de l'analyse de l'immanence, ouvrait le chemin vers le transcendant » (n° 59). Tel est bien le dessein de Blondel : non pas édifier une doctrine de l'immanence, mais employer la méthode de l'immanence qui, partant de l'expérience, y découvre des aspirations à la révélation surnaturelle Nul doute que l'inquiétude est une expérience immanente à l'homme qui indique en creux un objet recherché, une sorte de vide qui veut être comblé.
Tout l'effort de Blondel a consisté à montrer que la philosophie ne boucle pas sur elle-même, mais pose des problèmes que seule la Révélation résout. Loin d'être allergique à la foi, la raison, au contraire, l'appelle La philosophie a besoin de la théologie, non pour la suppléer, mais pour la prolonger. L'inquiétude est cette expérience vitale qui représente une trace de Dieu. Et cette trace, on la retrouve dans toutes les étapes du parcours. Oui, la raison est une aide, et la foi en est une autre. Toutes les deux sont nécessaires pour voler vers la Vérité. L'inquiétude manifeste que sans le secours de la foi, la raison est comme mutilée. L'inquiétude est la blessure qui invoque la guérison. Seule la foi procure à la raison son plein épanouissement, mais seule aussi la raison met en place pour la foi ses assises humaines. Sans la foi, l'inquiétude risque le désespoir. Et sans la raison, l'inquiétude avance dans la nuit.
 
* * *

Il est heureux que pour le cinquantième anniversaire de la mort de Blondel, une revue comme Christus honore ce très grand philosophe catholique. Il a perçu dans l'inquiétude comme un appel de Dieu. Lui-même n'a nullement été un philosophe inquiet. Mais il a découvert dans cet existential une sorte de sceau divin. Rien ne boucle sur terre, mais tout boucle en Dieu.



1. Saint Thomas, Exposé sur le Credo (n° 1012)
2. PUF, 1993, 528 p (cf, pour ce qui va suivre, pp. 4, 23, 43, 352-353, 361, 468-469).
3. Idem, pp. 253, 258 et 265