Vie chrétienne, 2005, 108 p., 13 €.

Cet ouvrage, dédié aux séquestrés du handicap « tués à petit feu », reproduit en couverture une peinture offrant deux dés de lecture : la montagne immense à l'approche du soir, ceinturée déjà de noir, et, de chaque côté d'une coulée lumineuse, deux amandiers éclaboussés de fleurs printanières. Parce qu'ils sont soulevés par une parole juste, le noir et le blanc cohabitent tout au long de ces pages sans dramatisation ni euphorie.
La rude expérience d'une communication difficile avec une mère paralysée et aphasique est l'événement fondateur qui fit choisir à l'auteur d'eue médecin auprès des exclus du système sanitaire Etudiante, soutenue par le projet des soins palliatifs, elle a déjà l'intuition que les forces vitales restent agissantes au creux même de l'insupportable souffrance et qu'elles libèrent toujours des étincelles d'éveil. Elle nous fait ensuite découvrir l'univers complexe d'un service de coma traumatique et de rééducation dont elle fut responsable. Tâche difficile et épuisante, car il faut à la fois annoncer le handicap, soutenir les familles et porter l'équipe soignante...
Au fil des situations évoquées, on sent la sensibilité, la passion de lutter, l'ouverture à l'imprévu qu'opère l'auteur, comment son humanité s'enrichit à travers la rencontre des patients. Car c'est un défi de pouvoir vivre la souffrance des autres et d'affronter ses propres limites.
Ce qui s'était patiemment construit au sein de l'expérience professionnelle de Marie-Hélène Boucand se trouve soudain déstabilisé lorsqu'on lui diagnostique une maladie génétique rare et sans traitement. Il faut alors trouver desnouveaux repères, ne surtout pas s'isoler. Dur chemin d'abandon où l'on vit le risque et la peur d'une mort imminente. Avec humour, l'auteur nous rend ici l'immense service de révéler nos maladresses de visiteurs en bonne santé et bien intentionnés.
Son livre a donc une fonction prophylactique : reconnaître que nous restons extérieurs à l'univers du patient, à son chemin intérieur, psychologique et spirituel, toujours repris et buttant sans cesse sur la question de son sens. Nous sommes interrogés sur ce qui nous motive pour rencontrer les malades, sur nos capacités à écouter leurs paroles autrement que comme des plaintes. Marie-Hélène Boucand tisse une magnifique fresque sur l'éminente dignité de l'homme jusque dans sa détresse, avec un regard simple, admiratif et tendre.