La maison est de plain-pied. D'aussi loin qu'on s'en souvienne, elle est tout entière plongée dans l'obscurité. Aucune porte n'entrave la déambulation entre les pièces. Celui qui vit là connaît, depuis toujours, l'homogénéité ténébreuse dans laquelle il évolue. Il sait de mémoire le plan de cette demeure. Ni fenêtre ni lampe ni foyer, aucune ouverture, aucun artifice ne diffuse quelque clarté que ce soit.
Une trouée ! Lorsque tout changea si soudainement, telle fut son impression paradoxale. C'est bien plutôt le voile qui l'aveuglait qu'il eût fallu vivre comme une privation. Pourtant, sa déchirure inattendue était comme l'évidement d'une consistance à la faveur d'un espace considérablement plus vaste que les limites auxquelles atteignaient ses tâtonnements. Une profondeur se manifestait sans qu'il se soit déplacé : elle venait à lui, l'invitait. Une ligne, une arête, des ombres plus pâles dessinaient un volume, quand il était jusque-là sans autres repères que la dureté des murs et les trajectoires mémorisées. Il se leva et fit quelques pas en avant. La perspective changea et ce fut un monde qui s'ouvrait, dans une gradation de la clarté, à mesure de sa progression à travers les différentes chambres disposées en enfilade. Il était déjà aveuglé lorsqu'il atteignit la source lumineuse. La nuit dans laquelle il vivait jusque-là montra alors ce qu'elle lui avait caché. Il connut sa densité étouffante, son