Avec cette magistrale traduction des Sermons Bearing on Subjects of the Day (1843) s’achève la publication des dix volumes de sermons anglicans de Newman. Il vient s’ajouter aux huit volumes des Sermons paroissiaux, publiés par les Éditions du Cerf entre 1993 et 2007 sous la direction de Pierre Gauthier, et aux Sermons universitaires, édités par Desclée de Brouwer en 1954 et réédités par les Éditions Ad Solem en 2007. Il reste à publier ses deux volumes de sermons catholiques, projet actuellement en cours. (Une anthologie de vingt-cinq sermons est aussi en préparation et devrait paraître en 2016).
Le titre, choisi par l’éditeur, évoque l’un des thèmes récurrents du volume : le rapport entre le christianisme – et l’Église – d’une part, et la société civile et politique de l’autre, l’Église d’Angleterre (qui était et qui est encore l’Église « Établie » du pays) étant alors soumise au Parlement et déjà marquée par une certaine sécularisation. L’introduction par Pierre Gauthier explique le contexte historique dans lequel furent prêchés ces 26 sermons, et indique brièvement le contenu de chacun et sa place dans l’ensemble. Tous « ont rapport soit à un événement soit à la situation de l’Église [anglicane] alors » (Introduction, p. 5). Vingt-et-un d’entre eux appartiennent aux années 1840-1843, période pendant laquelle Newman, engagé à fond jusque-là dans le Mouvement d’Oxford, vit avec angoisse une crise de confiance dans son Église qu’il quittera en 1845 (ce qui ne l’empêchera pas de republier comme catholique l’ensemble de ses sermons anglicans, convaincu de leur validité pour tout chrétien et même pour tout homme). Ces sermons permettent de saisir les conséquences dramatiques de l’écroulement de son ecclésiologie anglicane qui voyait dans l’Église d’Angleterre une via media entre le protestantisme historique et le catholicisme romain (comme l’appelaient, et l’appellent, les anglicans et protestants), et sa recherche presque désespérée d’une Église dont la « marque » essentielle serait celle de la « sainteté ». Le volume s’achève sur le sermon « L’adieu aux amis », l’un des plus célèbres, et plus pathétiques, des sermons de Newman prêché le 25 septembre 1843, qui marque son renoncement à son ministère anglican.
Dans ses sermons, Newman cite massivement la Bible. Or, un problème particulier est posé par la traduction de ces citations, notamment dans le sermon n° 21, « La présence invisible du Christ ». Dans le « texte » mis en exergue du sermon, et deux fois dans le sermon lui-même, Newman cite Lc 17, 20-21 où il est question du Royaume de Dieu. La plupart des traductions modernes situent ce Royaume dans une « extériorité », pour ainsi dire, en traduisant « le Royaume de Dieu est parmi vous » ou « entre vous ». Newman, suivant la King James Bible de 1611, qui suit quant à elle une tradition remontant aux origines de l’Église, traduit le verset 21 par « le Royaume de Dieu est au-dedans de vous ». Qui a raison ? Quoi qu’il en soit, nous sommes ici au cœur de l’enseignement spirituel de Newman.
Peu d’auteurs de sermons des siècles passés continuent à être lus aujourd’hui. Que les sermons de Newman, dans l’original anglais, n’aient jamais cessé d’être disponibles au public est un fait remarquable qui témoigne de leur qualité humaine et spirituelle. Qu’ils puissent connaître le même succès auprès du public francophone !
Keith BEAUMONT