Seules quelques brèves paroles de la très sainte Vierge nous sont rapportées dans l'Evangile Mais ces quelques paroles sont comme de lourds grains d'or pur. Lorsqu'ils fondent dans la fournaise de la contemplation amoureuse, ils suffisent amplement à envelopper toute notre vie d'un lumineux reflet d'or»(WXI, 140) 1.
Ces quelques paroles sur Marie que nous rapportent les Evangiles, Edith Stein n'a cessé de les approfondir et de les méditer. Elles viennent édairer de façon essentielle son discours sur la femme, qui est une grande enquête sur sa spédficité (nature de la femme, essence de la femme, espèce « femme ») et sur sa vocation (finalité) 2. Face à ce que l'on pourrait qualifier de vide théologique par rapport à une réflexion sur la femme — l'enseignement des Pères de l'Eglise et des docteurs du Moyen Age étant pratiquement la seule référence en la matière —, Edith Stein fait oeuvre de pionnière en opérant un retour aux sources bibliques. Elle relit « les vocations de l'homme et de la femme avec le sûr instinct d'une fille d'Israël », note Cécile Rastoin dans une étude intéressante 3. Elle se découvre dans une proximité radicale avec Marie et Jésus, du fait de son appartenance au peuple juif. On peut lui appliquer les paroles que prononce la reine Esther à propos de Marie dans un très beau dialogue composé par Edith Stein 4 : « Je suis de son peuple, de son sang. »
Combien Edith Stein a vécu intensément cette parenté avec Marie et Jésus, les notes personnelles de sa retraite de préparation aux voeux perpétuels et la façon familière dont elle s'adresse à eux par le pronom personnel « Tu » en témoignent 5. A l'école du Carmel, ordre dont les origines remontent au prophète Elie et qui a reçu de Marie son sceau original, elle a pu laisser « fondre », selon son expression, pendant les longues heures d'oraison silencieuse, les trésors de l'Ecriture Sainte. Elle a cherché les fondements dogmatiques d'une piété mariale largement répandue, dont « la poésie des chants et des méditations, la symbolique des couleurs et des bannières » ne charmaient plus que quelques « âmes enfantines ». A son avis, « seule la force du mystère pleinement déployée » est capable d'emporter l'adhésion de fond des chrétiens.
Nous voudrions examiner le chemin qui conduit la femme d'Eve à Marie à partir de la complémentarité entre l'homme et la femme telle qu'Edith Stein la comprend en interprétant l'Ecriture :

« Dieu a créé l'homme (Mensch) homme et femme. Dans l'oeuvre de la rédemption à nouveau, nous voyons la nouvelle Eve aux côtés du nouvel Adam comme co-rédemptrice 6. L'image de l'humanité parfaite est présentée aux yeux de l'humanité pécheresse dans une double configuration : le Christ et Marie. Ce fait me paraît être la preuve la plus forte selon laquelle la différence des sexes n'est pas une défidence de la nature qui pourrait et devrait être surmontée, mais qu'elle a une signification positive et une signification pour l'éternité » (W V, 220-221).

Notre étude procédera en deux temps : premièrement, la création de l'homme et de la femme, avec l'annonce de la mission confiée à la femme ; deuxièmement, l'accomplissement en Jésus et en Marie, et la nouveauté radicale qu'ils inaugurent. Nous condurons en évoquant la vocation de la femme dans l'Eglise
 

AU COMMENCEMENT...


Comment ne soulignerions-nous pas en préambule la connaissance approfondie qu'a Edith Stein de l'Ecriture ? « Toute l'Ecriture Sainte », écrit-elle à propos de Jean de la Croix, « l'Anden comme le Nouveau Testament, était son pain quotidien ». Cette intelligence des Ecritures n'est pas seulement le fruit d'un travail intellectuel solide. Elle provient surtout de la double actualisation existentielle qu'offrent la liturgie et l'eucharistie des grands événements formant « le drame du monde » : la chute et la rédemption, la victoire de la lumière sur toute ténèbre. L'interprétation d'Edith Stein est guidée par l'autorité de la Révélation :
 
« La parole de l'Ecriture ne s'occupe en général pas des nécessités et des possibilités d'essence 7, mais elle relate des événements et donne des indications pratiques (...) Le rédt de la création (...) ne demande pas : la différence sexuelle relève-t-elle de la nécessité ou du hasard ? Il dit : " Dieu créa l'homme à son image. Homme et femme il les créa. " Le fait de l'unité et le fait de la différence sont exprimés. Mais c'est une parole lapidaire qui exige une explication » (WV, 134-135).

Souvent éparpillés dans des textes divers et pas toujours détaillés, les commentaires d'Edith Stein font preuve d'une grande maîtrise exégétique. Avec sûreté, elle déchiffre le sens littéral et le sens spirituel des Ecritures.
 

A l'image de Dieu


La première mention de l'homme faite par l'Ecriture Sainte donne deux indications. D'une part, une triple tâche est assignée en commun à l'homme et la femme : « Etre image de Dieu, avoir une descendance et dominer la terre » D'autre part, le fait de l'unité de la nature humaine et le fait de la différence sexuelle sont affirmés dès le début. Ainsi, le « mode masculin et le mode féminin représenteront l'archétype divin d'une façon différente ». L'homme et la femme apparaissent « comme des empreintes différentes de l'image divine ». Cette différence implique la complémentarité : « Seule la particularité masculine et féminine développée dans toute sa pureté produit la plus grande ressemblance avec Dieu et la plus forte pénétration de l'ensemble de la vie terrestre par la vie divine. »
Les premières lignes de l'Ecriture sur la création de l'homme expriment le fait que l'homme et la femme partagent la même nature mais de façon différendée. La différence sexuelle n'est pas une donnée contingente ou facultative mais ontologique, inscrite dans la nature humaine et nécessaire à la réalisation de sa vocation d'être à l'image de Dieu. On peut supposer que la manière d'accomplir les deux autres tâches (avoir une descendance et dominer la terre) est également marquée par cette complémentarité et cette différence. Les peines différentes, spédfiques, qui touchent l'homme et la femme après la chute le confirment : enfantement douloureux pour la femme (le rapport à la descendance) et travail pénible pour l'homme (rapport à la terre). Pour tous deux, le bouleversement qui les atteint est « la conséquence du rapport changé avec Dieu ».
 

Une aide qui lui soit accordée


Le deuxième rédt de la création de l'homme insiste davantage sur l'aspect de la complémentarité. Pour mieux cerner celle-d, Edith Stein étudie les différents sens de l'expression hébraïque « 'ezer kenegdo » de Gn 2,18. Le sens tout à fait littéral serait « une aide comme lui en visà- vis ». On peut penser à l'image du miroir dans laquelle l'homme peut regarder sa propre nature Tous deux, l'homme et la femme se ressemblent, pas complètement pourtant, mais pour autant qu'ils se complètent l'un l'autre, comme les « deux mains », comme une « pièce jointe » (Gegenstuck) ou un « pendant ». La femme est donnée à Adam comme compagne « capable d'une activité propre et complémentaire, conformément à son être, corps et âme ». Mais elle est bien davantage « son autre moitié dans laquelle il peut contempler sa propre image, se retrouver lui-même » (cf. Gn 2,23).
Le fondement de la nécessaire complémentarité est ontologique : l'être humain est à l'image de Dieu, parce qu'il est « un êtte spirituel et personnel ». Or « le sens le plus élevé de l'être spirituel et personnel est l'amour mutuel et l'union en un dans l'amour d'une pluralité de personnes ». Dieu est Trinité et il est Amour : « L'amour ne peut pas êtte entte moins que deux. » Si toute la création est certes la demeure de Dieu, « ses délices sont d'être parmi les enfants des hommes, parce qu'ils sont capables de recevoir l'amour et de le donner ». N'est-ce pas dès lors ce caractère d'être spirituel et personnel qui fonde essentiellement le fait qu'il n'est « pas bon que l'un soit seul » ? demande Edith Stein.
« Les âmes humaines peuvent, de par leur [caractère] spirituel libre, s'ouvrir l'une à l'autre et s'accueillir l'une l'autre dans le don amoureux (...) Et si la force la plus grande du don correspond à l'être de la femme, alors elle ne donnera pas seulement plus dans l'union amoureuse, mais elle recevra aussi plus »(W II, 470).
Le don est une des deux dimensions essentielles de la relation — l'autre étant l'accueil. La maternité qui appartient en propre à la nature de la femme réalise d'une façon singulière ces deux dimensions. L'être de la femme manifeste donc avec force cette capacité d'ouverture intérieure et spirituelle à une autte personne.
 

Le combat fabuleux


« Je mettrai l'hostilité entte toi et la femme entte ta descendance et sa descendance Celle-d te meurtrira à la tête et toi, tu la meurtriras au talon » (Gn 3,15). C'est à ce verset, ainsi qu'à celui où Eve est appelée « mère des vivants » (3,20), que se rattache la considération à laquelle avait droit en Israël la femme qui devenait mère, particulièrement celle qui avait des fils. « Mener le combat contre le mal et éduquer la descendance pour cela » appartient à la « vocation de la femme depuis la chute jusqu'à la fin du monde ». L'équilibre particulier des forces spirituelles de la nature féminine y contribue, en particulier son sens de la vie, avec sa « capacité d'intuition et d'adaptation face à l'être humain tout entier » 8. Quelles sont les forces en présence dans ce « combat fabuleux » ? D'une part, la fidélité inébranlable de Dieu « à sa création, malgré toute l'infidélité des créatures », à laquelle répond la fidélité chancelante de l'homme, d'autre part, l'hostilité de Satan qui s'étend « à la femme et à sa descendance — Jésus et Marie » :

« C'est contre eux [Jésus et Marie] que se porte la jalousie de Ludfer, et, par suite, contre les hommes créés à leur image pour avoir part à leur vie Les hommes seront atteints en étant livrés à la mort et à l'éloignement de Dieu. Mais le jugement de Dieu détermine Satan à ne pas être seulement dominé par le Fils de l'homme et sa Mère mais à être anéanti par eux » (S 63).

La Croix donne paradoxalement la victoire définitive. Et pour l'homme, désormais, le combat spirituel passe par la « fidélité au Crucifié » :
 
« Réfléchis bien ! Le monde est en feu, le combat entte le Christ et l'Antéchrist bat son plein ouvertement. Si tu te déddes pour le Christ, il peut t'en coûter la vie. Nous sommes entraînés dans ce combat » (WXI, 124). « Le Satan cherche à nous mordre au talon, c'est-à-dire à nous rendre incapables de nous mettre en chemin à la suite de Jésus et de Marie. Mais nous sommes appelés à vaincre sous la conduite de Marie » (S 63).
 

AU SEUIL DE LA NOUVELLE ALLIANCE


A la charnière de l'histoire de l'humanité, et plus particulièrement de l'histoire de la femme, se dresse la femme en qui la maternité a trouvé sa transfiguration et en même temps — comme maternité corporelle — son dépassement. Le péché a introduit « une faille à travers la nature humaine » : les rapports harmonieux « des êtres humains à la terre, à la descendance et à l'autre » sont bouleversés. L'ordre de la rédemption rétablit en Marie et Jésus l'image de Dieu et instaure une relation nouvelle entte Dieu et les êtres humains.
 

Archétypes de l'humanité


Le Christ et Marie sont tous deux « les premiers parents véritables et les archétypes de l'humanité unie à Dieu », mais d'une façon essentiellement différente : lui comme Fils de Dieu, elle comme créature. « De toute éternité et par avance ils furent considérés comme l'achèvement de la création. » Le Christ, Dieu et homme, est donné comme « l'archétype de l'être humain véritable », conformément au plan de Dieu, l'image selon laquelle tout être humain devrait être formé. A ses côtés se trouve Marie :
 
« Dieu t'a donné son Fils et t'a créée pour l'union la plus intime avec Lui. Quand son regard repose avec un plaisir intime sur le Fils aimé, Il t'embrasse dans le même regard, toi qui es son image fidèle, inséparable de Lui. Le Logos est entré dans l'union personnelle la plus grande avec toi et a versé en toi la plénitude de l'Esprit qui est la sienne. Tu es ainsi pleine de l'Esprit Saint et préparée par Lui à la maternité divine » (S 64).

La nouvelle création opérée en Marie a pour seul motif sa maternité. « Oui, ne faut-il pas voir le sens le plus profond de l'immaculée conception dans le fait que la mère devait être pure, sans aucune tache, elle à qui voulait ressembler comme un fils [celui qui est] le plus pur de corps et d'âme ? », demande Edith Stein. En Marie, l'image de Dieu est restaurée dans toute sa pureté. Elle est la plus belle oeuvre de la création, car totalement relative à Dieu : « miroir clair, tout proche du trône du Très-Haut », où « la divinité se contemple avec amour », reflet lumineux et rayonnement de l'Esprit Saint dont elle est l'épouse immaculée. Marie est la « cellule primitive » de l'humanité enfantée de façon nouvelle et rachetée par le Christ, l'Eglise
 

Vierges


A travers l'exemple vivant de la Vierge Mère et du Seigneur lui-même, le Nouveau Testament propose quelque chose de tout à fait neuf : l'idéal de la virginité. Au coeur de cette notion se trouve la réalité du lien personnel le plus étroit avec Dieu. Dans le cas du Christ, la virginité est constitutive de sa personne. Elle a sa source dans la vie même de la Trinité :
 
« [La virginité] vient des profondeurs de la vie divine et conduit de nouveau à elles Le Père éternel a offert dans un amour sans retour tout son être au Fils. Le Fils s'offre de même au Père sans retour. A ce don total de personne à personne la traversée de l'Homme-Dieu dans une vie temporelle ne pouvait rien changer. Il appartient au Père depuis toute éternité et ne pouvait se donner à aucun homme. Il pouvait seulement prendre, dans l'unité de sa personne humaine et divine les hommes qui voulaient se donner à lui, comme membres de son corps mystique, pour les offrir au Père. Il est venu dans le monde pour cela. Telle est la fécondité de son étemelle virginité : pouvoir donner aux âmes la vie surnaturelle » (WXI, 136).

La virginité de l'être humain répond au mouvement de la vie trinitaire et à l'expansion de l'amour divin. Elle préside à la formation du Corps mystique qui, comme elle, exige un don sans partage pour pouvoir recevoir la vie divine et la transmettre L'exemple de Marie est éloquent : la première parole qui nous est rapportée d'elle dans l'Evangile est justement la confession de sa virginité. Celle-d la rend « réceptive pour être recouverte de l'ombre fécondante du Saint- Esprit ». Elle la prépare à la proximité de Dieu : se garder corps et âme pour Dieu, afin d'« être prise avec son être tout entier dans l'agir divin ». En Marie, la virginité apparaît avec force comme quelque chose de librement choisi, respectant la dignité humaine. C'est pourquoi elle peut être un modèle pour tous les êtres humains, hommes et femmes :

« [Marie] a consacré tout son coeur et toutes les forces du corps, de l'âme et de l'esprit au service de Dieu dans un don sans partage (...) Elle a profondément scruté le mystère de la virginité dont son divin Fils dira plus tard : * Comprenne qui pourra * [Mt 19,12] » (WXI, 140).
 

Mère


Au début de la nouvelle Alliance se dresse « un couple humain différent du premier » : la mère et le fils. Si le sexe masculin tire son excellence de la rédemption opérée par le nouvel Adam, fils de l'homme la noblesse du sexe féminin provient de la femme qui aida à fonder le nouveau royaume de Dieu : « Une femme fut la porte par laquelle Dieu trouva une entrée dans la race humaine. » De même que la tentation s'adressa d'abord à une femme ainsi la nouvelle de grâce de la part de Dieu touche d'abord une femme : « Et, id comme là, le oui de la bouche d'une femme décide du destin de toute l'humanité. »
Le fait que le Fils de Dieu choisisse la voie de la naissance indique peut-être que la maternité est le lien le plus pur et le plus élevé entre des êtres humains : « Est-il possible de concevoir le rapport de la mère de Dieu à son Fils autrement que comme une étreinte aimante de toute la force de son âme ?» La maternité de Marie est qualifiée d'« archétype de toute maternité ». L'enfant dans le sein de sa mère est dans un état de dépendance radicale corps et âme vis-à-vis de sa mère

« [Ainsi] le Fils de Dieu qui voulait être un homme (Mensch) en tout excepté le péché, ne devait-il pas recevoir de l'amour de sa mère non seulement la chair et le sang pour former son corps, mais aussi la nourriture de l'âme ?»(W II, 472).

Une autte relation, toute aussi importante, est incluse dans la maternité : la relation de la mère avec l'époux : « Plus elle a reçu en elle de l'être de l'époux, dans un don aimant, plus aussi, par son entremise, la particularité de l'enfant sera déterminée par celle du père. » Marie est la mère de celui dont la nourriture est de faire la volonté de son Père céleste. Elle-même dont l'être fut la première nourriture de l'enfant « devait êtte livrée avec toute la force de son âme à la volonté du Père céleste ». La paternité du Père révélée dans l'oeuvre rédemptrice du Fils donne à la maternité de Marie sa pleine mesure : elle est mère du Corps mystique. « Marie est notre mère au sens le plus réel et éminent (...) Elle nous a engendrés du point de vue de la vie de notte grâce en livrant tout son êtte, corps et âme, à la maternité divine. » Au pied de la Croix s'accomplit dans toute sa perfection le don qu'elle a fait d'elle-même au moment de l'Annondation et qui devient accueil de tous les membres de l'Eglise :
 
« Ton être et ta vie étaient offerts sans retour pour l'être et la vie du Dieu devenu homme. Ainsi as-tu pris les siens dans ton coeur, et avec le sang du coeur [versé dans d'] amères souffrances, tu as acheté pour toute âme la vie nouvelle » (S 67).
« Je vis jaillir du coeur de Jésus la grâce en abondance dans le coeur de la Vierge d'où, telle un fleuve de Vie, elle se répand dans tous les membres » (WXI, 170).

La maternité de Marie épouse l'action de son Fils, le bon Pasteur : « Id et là, il arrache aux profondeurs de l'abîme un petit agneau » et « le cache sur son coeur ». Elle s'exerce tout spédalement vis-à-vis de son peuple pour lequel la Mère supplie inlassablement et cherche des âmes qui l'aident à prier. « Car lorsque Israël aura trouvé le Seigneur, lorsque les siens l'auront accueilli, alors seulement il viendra dans une gloire édatante », et ce sera la fin des temps annoncée.
 
* * *

Les intuitions d'Edith Stein que nous avons exposées ci-dessus apportent, à notte avis, un édairage sur le lien qui unit la femme et l'Eglise II reste à essayer de comprendre ce que signifie la vocation de la femme comme symbole de l'Eglise — Marie en étant « le symbole le 341 Marie plus parfait ». Etre symbole signifie représenter par son être — comme un miroir — une réalité spirituelle vivante, et contribuer à la faire mieux comprendre et aimer. Contempler Marie et l'Eglise permet de mettre en lumière la vocation de la femme ; considérer la vocation de la femme — et de Marie, la femme par excellence — fait entrer dans le mystère de l'Eglise. La thématique est vaste et a des harmonies multiples.
Depuis saint Paul (cf. Ep 5,21-32), l'union de l'homme et de la femme dans le mariage est le symbole de l'union du Christ avec l'Eglise, et en même temps son instrument : c'est « un grand mystère ». La femme y est appelée à multiplier le nombre des enfants de Dieu par la transmission de la vie naturelle et de la vie de la grâce ; elle est donc par là un organe essentiel de la fécondité de l'Eglise C'est un premier niveau de fécondité. Il y a une autte fécondité qui est le fruit immédiat de l'union directe avec le Christ telle que la virginité la réalise, et c'est là « un mystère encore plus profond ». La virginité « n'est pas seulement le symbole et l'instrument de l'union sponsale avec le Christ et de sa fécondité surnaturelle, mais la partidpation à cellesd ». Elle est la condition nécessaire à la fécondité dans le mariage et encore plus essentiellement dans l'Eglise. Ce n'est pas d'abord la vierge consacrée qui est épouse du Christ, mais toute l'Eglise et toute âme chrétienne On peut parler dès lors d'une « virginité de l'âme ».
La nature de la femme qui se caractérise par cette capadté à avoir comme principe formateur le plus intime, « l'amour tel qu'il s'écoule du coeur divin », manifeste directement, pourrait-on dire, le lien entte l'Eglise et le Christ. Pourquoi le prêtre n'est-il pas le symbole de l'Eglise ? Parce qu'il est le « dispensateur des mystères de Dieu », le représentant du Christ, et il « nous laisse voir en lui à nouveau le Seigneur ». « En Marie, nous ne voyons pas le Seigneur, mais nous la voyons elle-même toujours aux côtés du Seigneur (...) Elle ne représente pas le Seigneur, mais le seconde. » Marie, la mère de Dieu, a vécu avec le Christ dans la communauté d'amour la plus intime qui ait jamais existé. En ce sens, elle est le symbole le plus parfait de l'Eglise inséparablement unie au Christ.




1 Toutes les citations de cet artide, traduites par Sophie Binggeh elle-même, sont extraites des volumes I, II, V, XI et XII des Edith Stein Werke (W) Le volume XI a récemment fait l'ob)et d'une traduction, par Cécile et Jacqueline Rastom, sous le titre Source cachée. OEuvres spirituelles (Ad Solem/Cerf, 1998) D'autres citations sont extraites du Secret de la Croix (S) (NDLR)
2. Nous en avons exposé les lignes pnnapales dans une conférence publiée dans le collecuf Edith Stem la quête de vérité (Parole et silence, 1999, pp 101-113)
3. Edith Stein et le mystère d'Israël (Ad Solem, 1998, pp 49-50).
4. Il s'agit d'un dialogue (qui appartient au genre littéraire du théâtre au Carmel) mettant en scène la reine Esther de l'Anden Testament et la mère prieure du Carmel (Echt)
5. Ces notes inédites ont paru pour la première fois dans Le secret de la Croix, pp. 62-75.
6. La théologie a aujourd'hui renoncé à ce terme. Elle réserve le nom de rédempteur au Christ, l'unique médiateur
7. Le travail de la philosophie (phénoménologie) est de « scruter les nécessités et les possibilités d'essence », c'est-à-dire les déterminations nécessaires permettant de dégager l'essence d'une réalité.
8. Edith Stein . la quête de vérité, p 107.