Préf. A. de Souroge. Trad. A. Siniakov.
Cerf, coll. « Théologies », 2006, 412 p., 40 euros.

De tous les Pères cappadociens, Grégoire de Nazianze est longtemps restée l’un des moins étudiés, l’un des plus méconnus du grand public. Ses textes, aux Sources chrétiennes et ailleurs, sont largement accessibles, des travaux en langue française de grande qualité ont été publiés, mais les ouvrages didac­tiques qui permettent d’accompagner la lecture des Discours, Lettres et de ce superbe Chant autobiographique de Grégoire ne sont pas encore très nom­breux. Mgr Alfeyev nous offre ici une synthèse complète de la vie, de la pensée mystique et théologique d’un des plus grands penseurs de la Trinité, ce qui lui a valu le titre de « Théologien » dans la tradition orthodoxe.
Certes, le livre n’est exempt ni de ré­pétitions, ni d’une certaine lourdeur sty­listique, mais il demeure d’une grande clarté et offre une vision globale qui ne se réduit pas à l’accumulation de fiches thématiques. L’auteur réussit à la fois à traiter des théologies dogmatique et mystique en les distinguant, mais sans rompre leur unité profonde, permettant ainsi à nos esprits modernes d’entrer dans la pensée de la Lumière divine qui constitue le creuset de l’expérience spi­rituelle de Grégoire et de la divinisation dont il fut aussi un des grands chantres (nombre de chants de Grégoire sont entrés dans la liturgie byzantine). Car ce grand artisan et combattant du langage théologique sur la Trinité était aussi un esprit inquiet, inadapté à une vie caho­tique et douloureuse, empreint d’une profonde mélancolie, et n’a trouvé de paix que par l’expérience de la « Croix, seule théologienne » et révélatrice de la Lumière qui pénètre cosmos et histoire, en tout homme.
Sur le fil ténu entre parole et silence, entre apophatisme et affirmation, la voix poétique et polémique, intime et pu­blique, de Grégoire de Nazianze a des accents profondément contemporains.