Il peut paraître étonnant que l’intérêt pour la spiritualité des soignants commence à peine à se développer en France, bien après celui concernant la spiritualité des soignés ou du soin. Or le fait est que de nombreux soignants (tous les soignants ?) ont une vie spirituelle. Continuer à vouloir ignorer cette réalité, renvoyer chacun à sa sphère privée, empêcher le partage de ce qui se vit réellement, n’est-ce pas le meilleur moyen de laisser libre cours aux dérives qui peuvent toujours advenir dans le cadre de l’activité soignante ? N’est-ce pas, en outre, se priver de ce qui – au-delà des clichés – pourrait s’avérer une ressource précieuse au service de la qualité des soins ?
Les réflexions ici proposées plongent leur racine dans des expériences plurielles : expérience personnelle et expérience professionnelle d’infirmière et de cadre de santé (en unité de soins et en institut de formation). Ces expériences sont elles-mêmes inséparables de connaissances développées dans des champs disciplinaires complémentaires (notamment la philosophie, la psychologie et les sciences infirmières), de rencontres nombreuses et variées et d’enquêtes réalisées auprès de soignants en exercice et/ou en formation.

 Une réalité agissante

À l’occasion de journées de formation sur des thématiques du type Les religions, la douleur et la fin de vie ou L’éthique, les religions et la laïcité, les échanges avec les participants (tous professionnels de santé) m’ont permis, au fil des années, de constater combien la question de la spiritualité est présente chez les soignants, même si elle s’exprime le plus souvent de manière implicite. Une brève synthèse des propos recueillis à l’occasion de ces formations illustre les différentes façons dont les soignants peuvent se rapporter à la spiritualité et l’articuler avec leur pratique du soin.
L’importance du spirituel pour les soignants
L’expérience montre qu’en France la question de la référence à une tradition religieuse ou à une forme de spiritualité est rarement abordée de manière spontanée par les soignants. Mais lorsqu’ils sont interrogés par l’intermédiaire d’un questionnaire qui leur permet de rester anonymes, un nombre non négligeable (un tiers en général) font état de leur religion (le plus souvent chrétienne ou musulmane et parfois juive ou bouddhiste).
D’autres soignants (un tiers) font mention de leur rattachement à une tradition religieuse de par leur éducation et leur culture, tout en soulignant qu’ils s’en sont progressivement éloignés. Dans ce cas, ils sont assez nombreux à reconnaître que ce qu’ils ont reçu les a néanmoins marqués durablement et continue de les influencer dans leur manière d’être : « J’ai eu une éducation catholique. Maintenant, je suis non croyante, mais je reste de sensibilité catholique. »
 Le troisième tiers d’entre eux déclarent ne se rattacher à aucune religion et être « déistes », « agnostiques » ou « athées ».
Il est re...
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