Les extraits suivants sont tirés de Juan Carlos Scannone,
La théologie du peuple. Racines théologiques du pape François, Lessius, 2017.

La catégorie de « peuple » est ambiguë, non en raison de sa pauvreté, mais à cause de sa richesse. D'un côté, en effet, elle peut désigner le peuple comme nation et, de l'autre, comme classes populaires. La réflexion de la Coepal1 l'utilise surtout en sa première acception : elle la comprend à partir de l'unité plurielle d'une culture, enracinée dans une histoire commune et en projet vers un bien commun partagé. Mais ce sont les pauvres qui, au moins de fait en Amérique latine, sont les gardiens de la culture propre de leur peuple en tant que sujets structurants de sa manière de vivre-ensemble2 : ce sont leurs intérêts qui coïncident avec un projet historique de justice et de paix. Car, dans l'Amérique qui est la nôtre, ils vivent opprimés par une situation d'injustice structurelle et de violence institutionnalisée3.

Le peuple, mémoire profonde de la culture

S'il en est ainsi, l'option préférentielle pour les pauvres ne s'oppose nullement à l'option pour l'évangélisation de la culture et des cultures des peuples ; en fait, les deux coïncident. Et probablement aussi en droit, dans la mesure où ce sont les pauvres – les seuls Jean Peuple4, sans les privilèges du pouvoir, de l'avoir ou du savoir – qui incarnent et manifestent le mieux et le plus authentiquement le commun d'un peuple.

Dès lors, pour « l'école argentine », le peuple ne se comprend pas tant à partir du territoire ou de la classe sociale qu'à partir de la culture comme « style de vie commun d'un peuple » [p. 24].

[…] Le lien historique, qui existe en Amérique latine, consiste dans le fait que les pauvres et les simples (dont il est parlé en Evangelii nuntiandi5, 48) sont, parmi nous, ceux qui conservent le mieux la mémoire historique commune et condensent