Parce que la réconciliation arrive après, on lui donne trop souvent la triste allure des réparations ou replâtrages. On la regarde de l’oeil perplexe du garagiste redressant un pare-chocs, avec l’inquiétude de la cuisinière cherchant à neutraliser un plat trop salé ; et rien n’enlève les bleus à l’âme que laisse une altercation, même raccommodée, entre amis. Ce sont là exemples bénins, sans comparaison avec le temps qu’il faut pour que s’efface la mémoire du sang entre peuples qui se sont fait la guerre. Je repense à ce dialogue étonnant entre trois jeunes hommes – deux jeunes pères, un Israélien et un Libanais, et un prêtre arabe chrétien palestinien – après la guerre de juillet 2006 : tout ce malheur pour absolument rien, dans lequel leur situation respective les a pris, et qui va repousser d’une génération, à cause du sang versé, le moment de vouloir vraiment vivre ensemble.
Notre manière d’envisager la réconciliation proposée par le Seigneur Jésus souffre souvent de ce regard déformant attaché à tout ce qui vient après. Pourtant, à bien regarder la manière dont le Christ est médiateur dans la réconciliation avec Dieu, on y percevrait la voie praticable d’une alliance neuve comme le matin du monde. La réconciliation est re-création, et, en Christ, horizon qui s’élargit, transfiguration qui s’inaugure.

Comme un horizon qui s’élargit
 

Le mal fascine. Il y a quelque chose de paralysant dans l’excès avec lequel le champ de l’attention est tout entier mobilisé chez le malade par son malaise. Ainsi est empoisonnée l’existence de celui ou celle qui demeure dans le ressentiment, quand la mémoire du préjudice subi se redouble de la douleur sourde de vouloir rendre la pareille. Et pour les peuples subissant la guerre, les blessures d’une non-réconciliation, s’ajoutant à celles provoquées par le conflit, risquent fort de ne pouvoir un jour s’expulser que par la violence, sans résultat. Que faire ?
Revenir au mystère du Christ, et du Christ médiateur de réconciliation, permet d’envisager celle-ci (et le pardon qui est redoublement du don) d’un point de vue qui change les perspectives : la réconciliation n’est pas une simple réparation, dans un