Quel extraordinaire lever de soleil cela a dû être, après tout ce qui s'était passé dans cette longue et sombre nuit, sur la rive du Yabboq (Gn 32, 23-32) ! Au moment où les frayeurs de la nuit démoniaque commencent à s'estomper, au moment où l'emprise de la terreur commence à se dissoudre, un homme reconnaît que Dieu même était là pour lui : que, profondément caché sous des puissances obscures, Dieu même était à l'œuvre. À la première aurore, un homme découvre que, dans l'obscurité de la nuit, il a lutté avec Dieu. Non pas seulement avec ses propres problèmes, non pas seulement avec l'ombre de son passé, non pas seulement avec son angoisse devant l'avenir ! Avec tout cela, certes, Jacob a aussi lutté. Bien plus : par tout cela, il n'était que trop assailli. Mais c'est de bien autre chose qu'il vient de s'agir, maintenant, pour lui…

Dans l'obscur de la nuit

Ce sont certes toujours d'abord nos propres soucis et nos propres angoisses qui enténèbrent notre vie. Et même, il n'arrive que trop souvent que ce qui nous accable soit des angoisses et des soucis que nous engendrons nous-mêmes, voire dont nous sommes nous-mêmes coupables. Songeons, précisément, au nuage atomique qui, venu de Tchernobyl, s'est abattu sur nous… Et n'allons pas dire qu'un sens plus profond, ou même un Dieu, se cache là ! Avouons-nous bien plutôt à nous-mêmes qu'avec ce nuage, c'est notre propre échec humain qui s'est abattu sur nous et un échec qui n'est pas seulement technique, mais aussi politique. Avouons qu'avec les rayonnements maléfiques, ce sont notre prétention humaine et notre sottise humaine qui sont, là, retombées sur nous. Mais, aussi longtemps que l'horreur s'abat sur nous et menace d'enténébrer, voire de détruire, notre vie, il n'est point temps de nous mettre à la recherche de quelque sens plus profond ou plus haut ; il est seulement temps de réagir pour notre défense – tout comme Jacob, dans cette nuit au bord du Yabboq, a réagi pour sa défense et a lutté avec l'obscure puissance qui l'attaquait.

Il faut que la lumière se fasse pour que, comme Jacob, nous puissions reconnaître que c'était Dieu qui, dans toutes nos angoisses, dans tous nos doutes et nos peines, nous atteignait et nous assaillait.

L'histoire du combat de Jacob au Yabboq est une histoire pour des êtres assaillis. Elle est, à sa manière, une « béatitude » vétérotestamentaire. Car elle proclame bienheureux un homme persécuté non à cause de sa justice, mais à cause de son