C'est le propre de Dieu de nous donner la joie, dit saint Ignace dans son livret des Exercices spirituels (n° 329). En effet, la joie, véritable allégresse ou consolation spirituelle, est un fruit de l'Esprit dans nos vies. En tout temps, il est bon d'apprendre à la repérer en nous, à découvrir ses harmoniques afin d'y consentir pleinement. C'est un exercice peut-être plus difficile qu'il n'y paraît au premier abord.

 

La diversité des joies 

Il y a la joie d'un travail bien fait, il y a la joie de l'amitié et de l'amour, il y a les joies toutes simples de la vie ordinaire, la joie éprouvée après une grande tristesse ou un rude combat, la joie grave et la joie légère, les joies reçues dans la prière... Beaucoup de joies nous sont données par surprise sans que nous les cherchions. Elles vont et viennent en nos coeurs. Il y a des joies éphémères et des joies durables. Saint Ignace en a fait l'expérience alors qu'il était cloué au lit à la suite d'une blessure à la jambe. Quand il rêvait d'être un grand chevalier, il était habité d'une grande joie, mais celle-ci s'éteignait rapidement et ne le laissait pas satisfait. Quand il rêvait de faire ce que les grands saints avaient fait, la joie reçue faisait naître en lui la paix et le désir de servir Dieu durant un long temps. C'est ainsi qu'il a appris à reconnaître la joie qui vient de Dieu.

 

"J'appelle consolation toute augmentation d'espérance, de foi et de charité, et toute allégresse intérieure qui appelle et attire aux choses célestes et au bien propre de l'âme, en la reposant et en la pacifiant dans son Créateur et Seigneur." (Exercices spirituels, n° 316)

 

La source de la joie

Nous percevons bien que le sentiment de joie profonde qui nous habite à certains moments ne vient ni de la terre ni de nous. Il vient d'en haut comme une lumière qui nous inonde et irradie, comme une présence mystérieuse et fragile, comme une parcelle de résurrection à répandre autour de nous. Saint Paul le disait aux Galates : la joie est un fruit de l'Esprit reçu au baptême (cf. Galates 5, 22). Dieu lui-même en est la source car il est joie. Et notre propre joie n'est qu'une participation à la joie de Dieu, à la joie du Christ ressuscité qui nous pousse à aimer, à espérer, à sortir de nous-mêmes pour aller à la rencontre des autres, à passer de la mort à la vie. Cette joie traverse les hautes et les bas de notre existence et même les abîmes dans lequels nous sommes parfois plongés. Nul ne peut nous l'enlever. Elle est grâce.

"Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite." (Jean 15,11)

 

→ Concrètement, comment procéder ?

Si nous prenons la joie pour boussole, nous quitterons le port, nous avancerons en eau profonde et lâcherons nos filets. Un autre mènera la barque avec nous. Notre confiance ne reposera plus en nous mais en Dieu. Ceci suppose un long chemin d'apprentissage.

⋅ Repérer nos mouvements intérieurs

"A cette heure-même, Jésus tressaillit de joie sous l'action de l'Esprit Saint." (Luc 10, 21)

Un mouvement, ça bouge, ça va d'un endroit à un autre, ça nous entraîne dans une certaine direction. Plus nous avançons dans la vie spirituelle, plus il est imporant de prêter attention aux mouvements intérieurs qui nous agitent aussi bien dans la prière que dans la vie quotidienne : ceux qui vont dans le sens de Dieu, de son appel à vivre ; ceux qui cherchent à nous freiner, à éteindre la vie en nous pour nous conduire à la dérive.

 

⋅ Nommer ces mouvements

"Notre coeur n'était-il pas brûlant en nous ?" (Luc 24, 32)

Mettre un nom sur ce qui nous meut nous permet de prendre du recul, de la distance. Nous gagnons alors en liberté. Nommer la tristesse et l'angoisse comme temps de désolation spirituelle, nommer la joie et la paix comme moment de consolation spirituelle. Repérer ce qui nous a fait passer de l'une à l'autre. C'est possible chaque soir en relisant notre journée.

 

⋅ Relire le chemin de la joie en nous

"Tes exigences resteront la joie de mon coeur." (Psaume 118, verset 111)

Nous sommes ainsi faits : il nous est plus facile de nous arrêter à ce qui nous fait difficulté qu'à nous appuyer sur ces moments de joie. Relire notre vie sur un laps de temps long (un mois, une année, une tranche de vie) pour voir apparaître le chemin de la joie : les moments où elle apparapit, les moments où elle se cache, où nous croyons l'avoir perdue, les méandres par lesquels elle est passée. Rendre grâce pour cette joie reçue.

 

⋅ Tisser des fils

"Que le Seigneur soit votre joie !" (Psaume 31)

Choisir la joie pour boussole est une décision qui nous conduit à tourner le dos à ce qui lui est contraire : jalousie, mépris des autres, colère, ressentiment, etc. C'est le fruit d'une conversion et du combat spirituel. Relier la joie qui nous habite à tel geste, telle parole de Jésus ou tel évènement de notre vie. Garder mémoire de ce don que Dieu nous fait pour en vivre et pour nous laisser conduire par lui. En temps ordinaire comme durant le temps pascal, vibrer à la joie du Ressuscité qui passe de la nuit au jour, de l'impasse au grand large, du désespoir à la confiance retrouvée.

 

 

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