Quand la tristesse, la morosité ou la colère emprisonnent nos cœurs, nous croyons spontanément qu’il faut les combattre pour que la joie de vivre jaillisse à nouveau en nous. Et même, plus vite on l’entreprendra, moins nous laisserons ce terreau du repli nourrir en nous le défaitisme, le négatif, ainsi que la victimisation, l’avidité, l’avarice, etc. qui vont avec. On le mesure aujourd’hui comme hier aussi bien dans l’espace personnel que dans la vie sociale. Mais combattre la tristesse pour trouver la joie ne marche pas plus pour nous que cela n’avait marché pour Caïn, le premier fils d’Eve : « le péché, la bête tapie qui te convoite, pourras-tu la dominer ? » (Gn 4, 7), et on connait la suite, le meurtre d’Abel, l’errance insensée et pénible de Caïn.

La joie n’est pas fille du combat mais de l’amour qui appelle à combattre les forces qui le détruisent. Elle ne résulte ni de nos calculs aussi intelligents soient-ils, ni de la puissance de notre volonté aussi bonne soit-elle. Elle sourd gratuitement et comme à l’improviste d’une rencontre où se dit, où se  sent, combien nous sommes aimés. Elle dit la présence de l’autre, tellement espérée et toujours inattendue à la fois : une parole de réconfort ; un silence qui ouvre à la reconnaissance ; un visage lumineux qui laisse en émoi, ou en question ; un rire qui éclate et se partage en cascade. Toute rencontre, intérieure ou physique, peut nous mettre en écoute, en ouverture, en désir de poursuivre plus avant. En particulier quand sévit ou menace le repli mortel sur soi-même. Les récits des Actes des apôtres ne cessent de raconter la joie de ces rencontres imprévues où se signifie la présence du Ressuscité, aussi réelle qu’insaisissable, mystique, à nos côtés. 

Pour les premiers chrétiens comme pour nous, se découvre ainsi un chemin qui se dessine et unifie la vie reçue de rencontre en rencontre. C’est le chemin propre à chacun d’une sainteté à laquelle tous sont appelés et destinés, et sur lequel le pape François nous rejoint et nous encourage dans sa dernière exhortation apostolique « Gaudete et Exsultate ». L’une des « caractéristiques de la sainteté dans le monde actuel » nous dit-il,  se donne dans « la joie et le sens de l’humour ». La joie « d’être aimé au-delà de tout » donne à notre prière l’assurance solide et vraie de la gratitude. L’humour, quant à lui, éloigne la mélancolie paralysante, en nous éveillant avec esprit à l’avenir possible de toute situation de crise et de mort.

Oui, « mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur » !