« L'enfant sent ses besoins et ne les peut satisfaire, il implore le secours d'autrui par des cris1. » Dans l'Émile (1762), Rousseau décrit en des phrases célèbres ce premier âge de la vie où « nous naissons faibles [et] avons besoin de forces2 ». La première expérience que nous faisons de la vie est celle de la peur de la voir nous échapper. Mais c'est aussi là, au plus intime de cette vie fragile, que jaillit une force – probablement incontrôlable – d'affirmation vitale.
La vie, dont le nourrisson ressent plus que nul autre la précarité, exige de lui la manifestation d'une force capable de susciter la satisfaction qu'il ne peut s'offrir lui-même, de re-susciter sans cesse la vie qu'il ne peut recevoir que d'un autre. Sa force vient de ce qu'il met toute son existence au service de cet instinct de survie et elle s'exprime dans le cri insupportable du nouveau-né. Insupportable, précisément : on ne peut l'entendre sans vouloir agir pour changer la situation, même