La Pentecôte accomplit jusqu’au bout le mystère de Pâques. La mort de Jésus sur la croix est le terme d’un itinéraire dont témoignent les évangiles. Or, la résurrection du Christ atteste, confirme, valide cet itinéraire. La résurrection nous dit que nous n’en avons pas fini avec Jésus, son œuvre et sa parole. Et le mystère de la Pentecôte est une invitation faite aux disciples de continuer l’œuvre d’amour entreprise par Jésus. Pour ce faire, les disciples reçoivent l’Esprit Saint.
 
La parole de l’Évangile de Jean sur la Pentecôte indique trois pistes pour qu’à notre tour, nous continuions l’œuvre d’amour initiée par Jésus. Nous sommes comme convoqués à un triple déplacement, à une triple conversion.
 
l Du verrouillage à l’accueil.
            Qui d’entre nous n’a pas fait un jour l’expérience de s’être verrouillé ? « Les disciples avaient verrouillé les portes du lieux où ils étaient. »nous dit le texte. Or le premier lieu où nous sommes, c’est nous-mêmes. Et sans doute avons-nous déjà fait l’expérience de nous protéger nous-mêmes, de nous entourer de systèmes de sécurité, de mettre en route des espèces de caméras vidéo mentales pour contrôler tout ce qui pourrait nous rejoindre, nous toucher, nous émouvoir. Nous le savons bien, il n’est pas facile de nous dévêtir de nos cuirasses, de nos armures, de nos carapaces.
            Or, Jésus rejoint les disciples au cœur même de la maison où ils se sont enfermés. La question, dès lors, n’est pas de savoir comment déverrouiller les portes ou ouvrir les fenêtres. Le Christ ne frappe pas à la porte. Il ne s’agit pas non plus de vouloir s’ouvrir de manière volontariste. Les disciples ne font rien. Il s’agit simplement de reconnaître le Christ comme celui qui nous rejoint au cœur même de nos verrouillages. « Il était là au milieu d’eux. »
            Il s’agit d’accueillir et de reconnaître le Christ comme étant à l’intérieur de nous-mêmes. Saint Augustin, fervent lecteur de saint Jean, a été bien inspiré quand il a parlé du Christ comme du « Maître intérieur ». Et ce Christ,  c’est le Ressuscité, celui qui est mort et qui est vivant une fois pour toutes. Reconnaître le Christ en nous, c’est reconnaître  qu’il y a la vie en nous, qu’il y a une source vitale qui nous anime. Dieu veut la vie pour nous. La source, elle est là... au plus profond de nous-mêmes. Sommes-nous prêts à désencombrer, s’il y a lieu, cette source de ce qui l’obstrue ? Sommes-nous prêts à laisser jaillir la vie ? Sommes-nous prêts à vivre vraiment ?
 
lI De la peur à la paix.
            Les disciples se sont enfermés car ils avaient peur. Peut-être avaient-ils peur pour leur vie ? Or, au cœur même de leur peur, Jésus dit à deux reprises : « La paix soit avec vous! » Cette paix ce n’est pas la fausse tranquillité ni la sécurité peureuse. Cette paix, c’est celle qui donne une joie profonde : « Les disciples furent remplis de joie. » C’est une paix qui fait que nous n’avons plus rien à redouter. La mort comme derrière nous. Cette paix nous irradie de l’intérieur et nous fait éprouver de la tendresse pour le monde.
 
lII De l’immobilité au mouvement.
« De même que le Père m’a envoyé, de même, moi aussi, je vous envoie. Ayant ainsi parlé, Jésus répandit sur eux son souffle. »  Les images utilisées par les auteurs bibliques pour parler de l’Esprit Saint sont des images de mouvement : le souffle, le vent, l’eau vive. L’Esprit , c’est ce qui ne connaît pas de frontière. « Là où est l’Esprit, là est la liberté. » dit saint Paul aux Corinthiens. Ayant reconnu la vie en nous, ayant accueilli la paix en nous, ayant reçu l’Esprit en nous, nous sommes, à notre tour, envoyés pour témoigner        de cette vie, de cette paix, de cet Esprit.
            Les disciples sont invités à sortir de leur maison pour œuvrer à la réconciliation. Nous pouvons bien entendu penser ici, au ministère de la réconciliation qui est une des dimensions centrales du ministère presbytéral. Nous pouvons aussi penser à tous les baptisés, qui sont appelés, chacun à leur manière, à être ferments de paix et de réconciliation. Or, témoigner de la vie, de la paix et du pardon n’est pas œuvre facile. Nous pouvons rencontrer des refus de la part de nos contemporains. Jésus le sait. Et c’est dans ce sens qu’il nous faut comprendre son injonction : « Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus. »
            À l’écoute du témoignage des disciples, — disciples que nous sommes tous —, soit les hommes croiront ( c’est le sens de l’expression : leurs péchés seront remis )      soit les hommes se scandaliseront, refuseront de croire, c’est-à-dire se jugeront eux-mêmes (c’est le sens de l’expression : « leurs péchés seront maintenus »). Il y a une sorte de réalisme spirituel de Jésus. Et au centre de ce réalisme spirituel, il y a la conviction que l’homme reste libre. Au contact des disciples, les hommes sont libres de croire ou de ne pas croire.
 
            Aussi, puisse Dieu nous donner la grâce de dire oui à la vie, à la paix, au pardon.

Pierre Clermidy, sj