Théâtre du monde. Prisons d'Irak, filières de prostitution de l'Est, exodes de réfugiés en Afrique devant la guerre ou la sécheresse..., partout l'humiliation se donne en spectacle. Pourquoi ces situations nous atteignent-elles si profondément ?
Sans doute parce qu'elles renvoient chacune, chacun d'entre nous à des humiliations subies dès notre enfance, à l'âge des grandes vulnérabilités. La moquerie, la cruauté, l'injustice peuvent nous faire honte, de l'école maternelle à la vie professionnelle ou sur un lit d'hôpital. De surcroît, nous appartenons à une société ricanante, à une société de mépris, qui trop souvent ne s'indigne que pour mieux humilier — par les médias, par la rumeur publique, par ce à quoi on réduit l'être humain. Indignation, dénonciation ; dénégation aussi, quand cela nous arrange. Tout à la fois victimes et acteurs, nous sommes non seulement humiliés, mais humiliants, personnellement et collectivement. On a tous été amenés à rabaisser plus faible que soi et les grands peuples se retournent souvent contre de plus petits.
Comment réagir face aux humiliations, qui, faut-il le préciser, n'ont en soi aucun sens ? Se tourner vers le Christ peut aider à trouver une liberté intérieure : lui-même n'a-t-il pas rejoint l'humanité jusque-là ? Comme l'écrit le P. Varillon, Dieu n'est « puissance illimitée d'effacement de soi » que pour mieux se communiquer. Telle est l'humilité de Dieu. Pour nous hausser jusqu'à lui, il est devenu l'un de nous, jusqu'au bout, jusqu'en bas. Or, dit Jésus, « qui m'a vu a vu le Père ».
Simplicité, pauvreté, dépendance de l'amour. Le Christ invite ses disciples à emprunter le même chemin que lui.
Révélation de la hauteur cachée — de Dieu, du Christ, et de tout être : Dieu passe Dieu et l'homme passe l'homme. Vécues en Lui, les humiliations peuvent alors déboucher sur autre chose que la destruction, la complaisance ou la révolte. L'acte de s'en remettre radicalement au Père signe cette liberté et ouvre à l'humilité. La porte étroite qui fait passer des humiliations à l'humilité peut rendre l'homme à son humanité. Frère Roger comme Jean Paul II, par leur vie et par leur mort, témoignent de ce chemin de liberté et de paix.