Pour vivre, tout simplement, il faut sans cesse partir : quitter la chaleur du ventre maternel pour un monde inconnu, sortir de l'enfance pour exercer, parfois dans la turbulence, sa liberté toute neuve, laisser la maison familiale pour accéder à l'autonomie de l'âge adulte. Notre existence entière, y compris notre mort, est notre lente naissance, faite de crises et d'arrachements. Par la foi, Dieu propose à chacun de vivre avec lui semblable aventure. Les pages qui suivent font entendre à nouveau cette proposition en présentant l'engagement de la foi tel que la Bible l'expose en son commencement avec Abraham, « Père de tous les croyants » (Rm 4, 11) et en son accomplissement avec Jésus, « l'initiateur de la foi, celui qui la mène à sa perfection » (He 12, 2).
Au départ retentit une parole de Dieu qui propose un chemin. C'est une surprise. Sans qu'il n'ait rien demandé, la parole invite Abraham à s'arracher à son existence présente : il doit laisser sa famille (littéralement : « sa naissance »), sa terre, sa maison. Dieu lui demande de s'en remettre à lui de tout. Toute prise échappe à Abraham : non seulement il quitte définitivement son passé (contrairement à Ulysse, dépeint par Homère, il n'y aura pas de retour à la maison au terme de cette odyssée), mais il ignore l'avenir. Le seul bien qui lui soit donné pour le moment est cette parole qui lui promet une attention fidèle.
Cette présence se manifeste pour Abraham aux lieux de ses morts. Arraché à ses origines, voué à la vie nomade, il sera conduit vers un pays. Il n'est pas dit, notons-le, que cette terre lui sera donnée pour