La direction spirituelle est un art de la pastorale, « l'art des arts », au dire de saint Grégoire le Grand. Elle est aussi un charisme, un don spirituel qui profite à l'Église et à ses membres, un talent divin acquis dans la lumière et par la force de l'Esprit saint.

Cet art véritable et ce charisme authentique ne s'apprennent pas à force d'exercice. Les élus qui en sont gratifiés ne peuvent que l'accueillir comme un don du ciel. Conscients de leur responsabilité, ils tâcheront de lui laisser porter ses fruits. Mais nous autres, qui devons avant tout nous situer à notre niveau et ne pas dépasser nos limites, nous pouvons toujours interroger les maîtres charismatiques sur les lois et les méthodes de la direction spirituelle, afin d'essayer, avec l'humble sentiment de notre propre insuffisance, d'en apprendre les éléments et de nous y exercer.

Dans ce sens limité, nous aborderons l'une ou l'autre question concernant la pratique de la direction spirituelle, mais d'une manière assez incomplète, l'abondance du sujet étant telle qu'on ne saurait l'épuiser en quelques pages. Par ailleurs, seul un maître éprouvé et doué du charisme pourrait vraiment définir la nature et les voies de la direction spirituelle ; mais, comme les vrais maîtres préfèrent habituellement se taire – et cela fait partie de leur maîtrise –, le devoir de parler n'incombe-t-il pas finalement au disciple qui s'est efforcé de les interroger sur leur art ?

On traitera d'abord des questions préliminaires d'ordre général, fixant l'essence, le lieu propre, la nécessité et les limites de la direction spirituelle. Dans le cadre posé, la tâche du guide spirituel et l'attitude correspondante chez le dirigé seront l'une et l'autre décrites méthodiquement. Pour finir, on esquissera quelques situations particulières de la vie spirituelle, avec leurs exigences respectives.

Questions préliminaires

Les traités de théologie ascétique donnent des définitions variées de la direction spirituelle. Si l'on cherche ce que ces formes ont en commun, l'on est amené à décrire la direction comme une pastorale individuelle méthodique et régulière dans la ligne et en vue de la perfection chrétienne.

Au centre de cette activité pastorale se situe l'homme individuel avec sa personnalité unique et irremplaçable, menant son existence propre devant Dieu et dans l'Église. L'objet de cette pastorale, la vie religieuse personnelle de cet individu, est envisagé dans la perspective très précise du désir de la perfection chrétienne. Ainsi l'on trouve toujours engagé d'une manière ou d'une autre, au cœur de la direction spirituelle, l'idéal de la sainteté chrétienne, à laquelle tous les baptisés sont appelés et dont ils sont tous capables. Enfin, un effort régulier de longue durée, selon un dessein concerté, est également essentiel à une authentique direction. De simples entretiens occasionnels sur des sujets religieux ne répondent donc pas à la définition de la direction spirituelle.

La direction se fait dans l'Église

Le lieu ou l'espace spirituel dans lequel se situe la tâche de diriger les âmes demeure en tout temps l'Église, qui est l'« unitas Spiritus Sancti », disons la communauté des croyants formés dans l'Esprit saint. L'Église est, au sein du monde et de l'histoire du salut, l'organe de cet Esprit saint qui mène l'œuvre de rédemption, si bien que la vraie vie spirituelle se réfère nécessairement à elle, toujours et partout. Aussi la direction spirituelle, au sens chrétien, est-elle une fonction de l'Église comme telle et de son magistère ; elle s'accomplit par un mandat de l'Église et reste soumise aux lois de la vie ecclésiale. Le guide spirituel, quels que soient ses dons charismatiques, agit seulement comme un instrument de cette Église qui enseigne et qui dirige.

Mais cet espace ecclésial, où évolue la direction spirituelle, est aussi le domaine de l'Esprit saint agissant au sein de l'humanité rachetée. Par un lien plus profond et plus essentiel, la direction spirituelle se