Dès la naissance de la philosophie grecque au VIe siècle av. J.-C., l’homme a pensé son identité en relation aux autres espèces vivantes et aux dieux. Comme le dit Épictète au Ier siècle de l’ère chrétienne, l’être humain est un « mélange de deux éléments : le corps, qui nous est commun avec tous les animaux, la raison et la pensée, que nous avons en commun avec les dieux ». Ce caractère hybride de l’être humain entre les dieux et les animaux, ou à l’image et à la ressemblance de Dieu dans la Bible sans être totalement divin, est une invitation permanente à penser et repenser l’identité humaine toujours mystérieuse et en manque de fondements.
Bien des marqueurs de l’identité humaine – en termes de « différence essentielle » dans la catégorisation « genre et espèce » ou de caractéristiques « propres » non essentielles – furent avancés dans l’histoire de la pensée : par exemple, l’animal « ayant la raison et le langage » (logon ekhôn) d’Aristote, l’animal politique (zôon politikon) d’Aristote, la capacité à fabriquer des outils (Homo faber) ou encore le rire, etc. Pourtant, cette double relation de l’homme à l’animalité et au divin n’est pas figée. On observe une grande variabilité dans la compréhension de l’animalité, de l’humanité et de la divinité à toute époque et dans le cours de l’histoire. Cela disqualifie toute vision trop simpliste d’une « évolution historique » claire et univoque dans le rapport de l’homme aux animaux et à l’animalité. Le questionnement contemporain sur le statut juridique des animaux et leurs droits éventuels n’est pas une nouveauté radicale dans l’histoire, si on se réfère aux procès d’animaux du Moyen Âge. En 1386, la célèbre truie de Falaise (Normandie), qui avait blessé mortellement un nourrisson, fut ainsi condamnée au supplice et à la mort à l’issue d’un