«Le juge, c’est Dieu ! » (Ps 50,6). Cette exclamation du psalmiste décrit bien la conviction commune de tous les Juifs au temps du Christ. Il y a bien un juge qui jugera et les hommes et les nations : « L’impie méprise le Seigneur et dit dans son coeur : “Tu ne demanderas pas des comptes” (cf. Ps 10,13). À cela Rabbi Hanina répond : “Il y a un jugement et il y a un juge !” » 1. Ce qui pourrait apparaître comme une menace est en réalité une espérance. Le jugement de Dieu n’est pas d’abord une mauvaise nouvelle, car la foi que Dieu veut le salut de son peuple et, plus profondément, aime la vie de toutes ses créatures habite tant le Livre que le culte. La foi biblique est traversée de part en part par cette foi que Dieu est le seul juste juge. Aucun empire humain ni aucune autorité ne peut se substituer à lui.
Dans l’Évangile, Jésus partage cette foi avec ses interlocuteurs juifs. De nombreuses paraboles, images et paroles témoignent de cette conviction profonde. Dieu fera justice, car il est dans sa nature d’être un juste juge : « Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus qui crient vers lui jour et nuit tandis qu’il patiente à leur sujet ? Je vous dis qu’il leur fera prompte justice » (Lc 18,7-8a). Pourtant, Jésus a des accents propres pour parler du jugement. C’est en connaissant bien les textes bibliques et ceux qui nous ont été transmis des écrits juifs de l’époque que nous pouvons peu à peu mesurer son originalité. Que dit Jésus sur le jugement, la justice et le juge ?
 

Juger le temps


Jésus appelle tout d’abord à un jugement sur le présent et dans le présent. Croire que Dieu jugera dans le futur, c’est bien, mais qu’en est-il dans le présent ? Une tentation du croyant serait de ren­voyer au jugement ultime de Dieu comme on renvoie aux calendes grecques et de se défausser de l’appel à juger soi-même ce qui se joue ici et maintenant. Si nous nous souvenons tous de l’appel à ne pas juger