Armand Abécassis est une figure bien connue de la communauté juive française : auteur d'une somme sur la pensée juive (1987), il est également depuis longtemps engagé dans le dialogue judéo-chrétien, comme en témoignait déjà son En vérité je vous le dis. Une lecture juive des évangiles (Éditions 1, 1999). Dans cet ouvrage de style oral et aisé, il nous partage quelques-uns de ses travaux sur l'enseignement de Jésus et le style des évangiles. Trois parties composent l'ouvrage ainsi qu'une grande conviction : Jésus de Nazareth a été un Juif de son temps pleinement enraciné dans son peuple et les débats religieux qui agitaient celui-ci, un maître fort et original, pas un marginal bizarre. Armand Abécassis s'inscrit ainsi dans ce grand courant juif qui, depuis un siècle environ, redécouvre Jésus le Juif après dix-huit siècles d'enseignement où celui-ci fut situé en contre-position du judaïsme. Une première partie montre comment Luc et Matthieu ont conçu leurs évangiles de l'enfance à la façon du Midrash (où il rejoint au fond les travaux d'André Paul dès la fin des années 1960). Une deuxième partie se penche sur les Béatitudes pour les situer sur le fond biblique et talmudique et la troisième fait de même avec les antithèses du Sermon sur la montagne. La sympathie de l'auteur ne l'empêche pas de poser aux chrétiens des questions dérangeantes : « Peut-on dire que leur créativité en tant que fils n'a pas mis en question l'identité d'Israël, l'alliance de Dieu avec son peuple ? Ne se sont-ils pas précipités et n'ont-ils pas couru plus vite que l'Histoire, par excès d'amour ? Sont-ils restés fidèles au projet initial de Dieu dans son choix d'Israël et dans la vocation particulière dont il l'a chargé ? » (p. 51). Ceux qui ne connaissent pas bien la tradition talmudique apprendront beaucoup des textes cités et seront mieux convaincus, s'il en était besoin, de la profonde judéité de Jésus. Certes, tout n'est pas dit pour autant sur Jésus, ses paraboles, son emploi de l'expression « Fils de l'homme », son rapport au Baptiste et la raison de sa mort. Mais un tel ouvrage signe des décennies d'un dialogue qui continue : heureux sommes-nous que de tels livres existent aujourd'hui…