Albin Michel, 2009, 226 p., 15 euros.

Les familiers des écrits de Maurice Bellet savent comment lire ses ouvra­ges : à la manière dont on traverse une forêt enchantée, buissonneuse, percée de clairières fulgurantes, traversée par des sentes engageantes, çà et là illumi­née de couleurs profondes. Sous couvert d’approcher la violence brutale, la livrai­son de cette année poursuit une très ancienne méditation sur l’ambivalence et les limites du langage, notamment du langage chrétien. Contre les habitudes et les pseudo-spiritualités chrétiennes qui transforment le sel de l’évangile en sucre doucereux, le prêtre psychanalyste, ancien rédacteur de Christus, prend au sérieux la violence absolue, ou – devrait-on dire – la violence faite au nom de l’absolu.
Ici, pas de manichéisme, l’auteur n’oppose pas du haut de sa science la parole supposée humanisante à la vio­lence sans phrase, selon la tentation issue de Kant. Revenant à frais nou­veaux sur l’origine commune de la vie (Bios) et de la violence (Bia), Maurice Bellet montre le caractère original de la violence humaine, dont la radicalité doit tout à la fascination pour l’idéal. Cette méditation traverse les figures successives de la culture contemporaine où se nourrit la violence absolue, sans jamais prétendre l’enfermer dans une formule dont l’intellectuel maîtriserait le dernier mot.
Cette humilité foncière décevra ceux qui aspirent au repos d’une solution idéale, mais elle suscitera une réflexion méditative qui ouvre la carrière de la douceur évangélique.