Desclée de Brouwer, coll. « Littérature ouverte », 2009, 185 p., 16 euros.

Christophe Henning fait preuve d’une certaine audace en intitulant son premier roman Il fallait Osée. Ce jeu de mots, en effet, vaut aussi pour l’auteur. Parmi toutes les possibilités de réécri­ture offertes par la Bible, le mariage d’Osée (prophète au VIIIe siècle avant J.-C) avec une prostituée est peut-être l’une de celles qui demandent le plus de délicatesse, et Christophe Henning a su réinventer avec élégance. Il a fait le choix d’écrire à la première personne et de mettre le récit dans la bouche d’Osée lui-même, ce qui crée proximité et in­timité malgré la distance historique. Il y a dans toute réécriture une part de jeu, et l’auteur joue allègrement avec le temps, sans toutefois le bousculer, restituant juste ce qu’il faut de couleur locale et historique, et gardant dans l’en­semble du roman un ton assez soutenu (non sans quelque raideur parfois) avec quelques ruptures de ton.
Il fallait beaucoup d’habileté pour mener ainsi de front, en leur donnant toute leur ampleur, l’histoire de l’amour d’Osée pour Gomer et l’histoire de l’amour de Dieu pour son peuple. La richesse du livre et son propos fidèle à l’esprit du texte biblique sont là, dans ces correspondances subtiles et ces proces­sus d’échanges que tisse le romancier entre ces deux amours, l’un conduisant vers l’autre. Chaque désir, chaque tra­hison ou chaque moment de bonheur humain est lu par Osée à travers l’amour qu’il a pour Dieu. Mais inversement, les souffrances infligées à Osée par Gomer, ou celles dont il est responsable, tout autant que les jouissances du corps, du coeur, de l’âme, sont des voies qui permettent d’entrer dans l’expérience de la puissance de l’amour divin, et dans sa connaissance.