La question en effet est à l’ordre du jour. Elle ne touche plus seulement l’éducation, la transmission de savoir, de culture et de valeurs que le progrès technologique,  l’accès immédiat à toutes sortes de sources, l’individualisation croissante des styles de vie rendent plus difficiles. Aujourd’hui tous les registres de la vie personnelle et collective sont impactés : qu’il s’agisse d’associations, d’entreprises, de civisme, de spiritualité ou d’éthique, comment transmettre, comment former à une véritable responsabilité ?

La question est en réalité bien plus profonde et radicale. Ce n’est plus seulement le moyen de transmission mais l’acte même de transmettre qui est en cause. Qu’est-ce que transmettre ? Qui peut ou doit transmettre, et à qui ? Pourquoi et que transmettre ? Nous voici renvoyés à « l ‘élémentaire »: il nous faut comprendre et fonder à frais nouveau nos attitudes les plus basiques, l’esprit qui les fonde et les fait naître. La naissance ou la renaissance d’une pratique est liée à la compréhension de ses enjeux les plus spirituels.
C’était déjà la question de Nicodème à Jésus (Jn 3,4) « Comment un homme peut-il naître, étant vieux ? » Pour voir le royaume de Dieu et y entrer, il faut renaître d’eau et d’esprit, de souffle. Transmettre est bien plus qu’une transaction, une relation pédagogique ou l’expression d’un intérêt, fût-il vital, ou d’un don. Transmettre c’est toujours triompher de la mort, c’est surmonter l’engloutissement ou la dilution de ce qu’on reçoit, de ce qui nous façonne et nous constitue comme êtres vivants, parlants, agissants. Ainsi Ignace de Loyola, ayant vécu une expérience personnelle de Dieu aussi intense que féconde pour sa vie et celle de l’Eglise, a-t-il entrepris de trier dans sa mémoire ce qui pouvait être utile à d’autres. C’est la raison d’être des Exercices spirituels qui continuent d’aider cinq siècles après tant de personnes à trouver Dieu en même temps que leur vocation, toute l’orientation de leur vie, dans une joie qui ne peut leur être ôtée. Transmettre un bien, un savoir, une expérience, une passion,… c’est l’inscrire et l‘instituer dans l’histoire, c’est le partager et lui donner un avenir, une destinée qui nous échappe car elle ne nous appartient plus, mais elle est porteuse de vie, de cohésion, de mise en relation, de naissance nouvelle.
Sur toute cette problématique actuelle, on peut se référer avec intérêt au n° 233 de Christus « Hériter et transmettre ».