Il est heureux d'avoir traduit cet ouvrage italien publié en 2016 pour la canonisation d'Élisabeth de la Trinité (1880-1906), carmélite à Dijon. Roberto Fornara, carme déchaux de la province de Gênes, est bibliste et nous fait entrer en profonde résonance avec le désir d'Élisabeth de se nourrir de l'Écriture : « Ô Verbe éternel, Parole de mon Dieu, je veux passer ma vie à vous écouter, je veux me faire tout enseignable afin d'apprendre tout de vous. » Ce petit ouvrage se veut comme une introduction et un commentaire de la célèbre prière « Ô mon Dieu, Trinité que j'adore », traduite en plus de cinquante langues.

Le père Fornara souligne d'abord que cette prière éblouissante, découverte après la mort de la sainte, a été rédigée spontanément et d'un seul jet, sans destinataire autre qu'elle-même. Avec son regard de bibliste, l'auteur met en valeur les « horizons symboliques » qui structurent et font converger les nombreuses métaphores présentes dans le texte : la maison accueillante, la lumière de la foi et l'amour sponsal. L'étude du symbole de la maison est particulièrement riche et novatrice car elle est étoffée d'une réflexion anthropologique : « La maison n'est pas simplement une construction matérielle mais avant tout le symbole de ses besoins, de ses désirs, de ses aspirations et de ses expériences les plus intimes et les plus profondes » (p. 45). Aussi le désir d'Élisabeth d'« habiter la maison du Seigneur » se nourrit certes de l'Écriture, avec le psaume 27 (26), mais s'enracine déjà dans cette perspective humaine : la recherche d'une demeure. Or cette demeure à découvrir engage l'expérience de l'hospitalité et de la réciprocité : laisser Dieu habiter en soi pour mieux établir sa demeure en Lui. Au long des pages, l'auteur aide à mieux comprendre l'impression paradoxale qui se dégage de l'Élévation à la Trinité : stabilité et mouvement, entrée et sortie, pacification et violence, lumière et ténèbres. Les mystères de la Trinité, de l'Incarnation et de la Rédemption sont sous-jacents à l'expression débordante d'Élisabeth.

Ainsi, à la suite d'Hans Urs von Balthasar (1905-1988), le carme met en valeur la densité et l'équilibre théologique de celle qui voulait devenir pour le Verbe « une humanité de surcroît en laquelle Il renouvelle tout son Mystère ». Cet ouvrage invite donc le lecteur à mieux peser le poids de gloire et d'humanité qui se dévoile dans ce « petit chef-d'œuvre de la contemplation ». Sainte Élisabeth nous découvre que nous sommes habités par les trois Personnes divines et que la réponse à cet Amour est un chemin de profonde unification. Notre vie commence dans la foi par un « face-à-face dans les ténèbres » mais s'appuie sur la promesse d'habiter le secret lumineux de la Face divine.