Philippe MAC LEOD Laïc consacré, écrivain, poète, Lourdes. A récemment publié chez Desclée de Brouwer : Petites chroniques d’un chrétien ordinaire (2010), et chez Ad Solem : D’eau et de lumière : Lourdes, une spiritualité de la transparence (2010) et Sens et beauté (2011).  
 
Le monde naturel est perçu la plupart du temps comme le décor de nos drames humains, une sorte de toile de fond, et rarement pour lui-même, c’est-à-dire en reconnaissant ce premier don de Dieu, en le recevant chaque jour, en ressentant combien il est traversé de sa présence, comme s’il portait encore la marque de son doigt, le murmure de son souffle. Il est parfois des évidences criantes à rappeler, des vérités qui éclatent avec une simplicité confondante, mais aussi avec une force inouïe, à la mesure de leur objet : tout l’univers – la matière qui nous entoure, de l’étoile dans le ciel nocturne jusqu’à la pâquerette qui semble lui répondre sur un ciel d’herbe verte –, toute la création nous vient de Dieu. Cela, nous le savons – mais nous ne vivons pas avec. Nous ne regardons pas avec ce savoir-là, nous n’en prenons pas assez conscience. Le visible dans tous les états de la perception, la nature foisonnante à travers laquelle nous nous enfonçons lorsque nous marchons, sont façonnés par la Parole de Dieu. C’est ainsi que le livre de la Genèse ouvre le monde – et nous y fait entrer. Dieu ne se retire pas de sa création. La création reste en Dieu comme sa Parole demeure en lui. Là encore, il nous faut redonner chair aux évidences en considérant le visible autour de nous, non point son idée, sa représentation, mais ses moindres éléments, son ordonnance, toute la variété de ses formes, comme une manifestation de sa Parole, une sorte de corps qu’elle prend déjà – un corps dont nous sommes solidaires, non seulement parce qu’il nous a précédés, parce qu’il nous soutient, mais parce que lui aussi, ce corps de la nature, de la création, est associé au salut, comme saint Paul nous le rappelle dans son Épître aux Romains (8,19-22).
 

Ce grand hêtre isolé

Arrêtons-nous un instant et prenons à témoin ce grand hêtre isolé, à la peau cendrée, immense et gracile tout à la fois dans son vert déploiement, et tâchons de rattacher son existence à cette parole première, en cherchant même à l’entendre intérieurement, comme Jérémie à sa fenêtre devant l’amandier en fleur. Voir et entendre, voir tout en entendant, voir comme si cela résonnait en soi, en profondeur. « Il vit et il crut », lisons-nous dans saint Jean. De même, en suivant des yeux la ligne du tronc élancé, l’inflexion des branches, jusqu’aux rameaux les plus élevés, j’entends : « Dieu dit », j’entends, je perçois une forme comme une voix qui vient me rejoindre à travers le foisonnement des figures. La beauté du monde ne...

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