Vous tendez une allumette à votre lampe et ce qui s'allume n'éclaire pas. C'est loin, très loin de vous, que le cercle illumine.1
 

J'habite au Mas de Carles2. Le Mas de Carles est une grande maison qui accueille quarante-cinq résidents, personnes sans logement ni (guère de) revenus, un lieu d'accueil et d'hébergement pour des personnes en grande difficulté. Fondé dans les années soixante entre Villeneuve-lès-Avignon et Pujaut (dans le Gard, en face d'Avignon, sur l'autre rive du Rhône) par Joseph Persat, un prêtre d'Avignon (Vaucluse). Ce lieu se conçoit comme un « lieu à vivre ». Il propose aux personnes qui y résident la possibilité de prendre un nouveau départ dans la vie ou de faire le choix d'y demeurer.

La maison veut offrir aux résidents un accueil non contraignant, où nul n'est obligé d'entrer dans la normalisation administrative habituelle, ou de satisfaire aux propositions d'insertion classiques (être dans cette maison est déjà une forme d'insertion). Notre volonté est de faire passer le collectif avant l'individualisation si chère aux institutions. Refuser de renvoyer à chacun la culpabilité de l'échec, liée à la déshérence, dans une société soucieuse de profits et de « réussite ». Être pauvre est-ce une raison suffisante de ne compter pour rien, puisqu'il ne tiendrait qu'à soi de ne pas l'être ?

Bref, le Mas de Carles propose un lieu de reconstruction de soi dans le respect de la personne qui est accueillie et de celle qui accueille. Cela s'envisage par la participation aux quatre invitations des « lieux à vivre » : hébergement, vie commune et compagnonnage, participation aux activités (productives ou d'amélioration et de mise aux normes de leur habitat), insertion dans des activités sociales et culturelles environnantes. Toutes choses à partager entre tous (quarante-cinq résidents, onze salariés, une quarantaine de bénévoles) sous le triple appel de la solidarité, de la bienveillance et de l'accueil d'une spiritualité.

La plupart des personnes accueillies sont passées par la « case » de la rue. Toutes ont connu des ruptures familiales, professionnelles, sociales et de santé. La