Cette anthologie de sermons, qui s'apparentent plus à des conférences qu'à nos coutumières homélies, nous laisse pénétrer la personnalité d'une figure éminente du XIXsiècle catholique en terre britannique. Stimulé par l'étude de l'Écriture et des Pères de l'Église, John Henry Newman quittera l'Église anglicane dont il avait tenté de restaurer le dynamisme théologal et spirituel : ce à quoi il échouera, le libéralisme issu des Lumières ayant conquis les esprits, réduisant la démarche religieuse à une simple opinion acceptable par le conformisme bourgeois. Il gagnera donc l'Église catholique romaine, où Léon XIII l'élèvera au cardinalat ; cependant, sa théologie n'en restera pas moins audacieuse (certains modernistes se réclameront de son patronage). Tactiquement, il ne tente pas d'entrer en polémique ou en controverse, mais d'incliner son auditeur à donner son assentiment qui est certes approbation cordiale de l'intelligence, mais aussi une pratique, soutenue par la prière et aiguillée par un exercice de la conscience, soucieuse d'un style de vie, d'une éthique où sera perceptible la « beauté de la sainteté ». Programme complet engageant tout l'être, dans lequel l'importance accordée à la conscience personnelle fera craindre, aux tenants de l'objectivité (ou de l'objectivation ?) de la Révélation et de l'intangibilité des dogmes, une dérive subjectiviste. Se pose à l'évidence la question de l'unicité de la vérité face à la prolifération des fables que véhicule et multiplie le foisonnement des sectes, favorisé par le libéralisme ambiant et justifiant un relativisme généralisé. À ce scepticisme de bon aloi, Newman oppose le désir de la vérité que ne peut à soi seul honorer le talent de l'intelligence, si ne lui est fait le don de la grâce. On voit s'esquisser ce qui va devenir, dans la crise moderniste, la question du surnaturel, totalement nécessaire et hautement désirable, mais nullement automatique, puisqu'il s'offre dans la gratuité d'un don. D'où le paradoxe : certes, l'agencement des vérités catholiques manifeste leur haute cohérence rationnelle, mais s'en tenir au jeu des seules déductions logiques en restera toujours à une extériorité. L'« expérience » du croire déborde la revendication « étriquée » de la rationalité qui ignore le dynamisme de l'amour. Que la grâce affermisse ce passage d'une logique (rationnelle) à une vision (expérimentale), l'homme franchit alors le seuil de la « communion des saints ». On reconnaîtra une évidente similitude – ne disons pas identité – entre la situation religieuse que connaît Newman et la nôtre. Il serait tentant mais simpliste d'emprunter son dispositif d'arguments et de démonstrations pour le transposer à notre époque. Demeure la pertinence d'un diagnostic qui nous incite à affiner le nôtre et à inventer une prise de parole qui ne se contente pas d'un pur kérygmatisme émotionnel, s'il est vrai que, comme le disait Henry Duméry, la foi n'est pas un cri.