Notre vie morale se développe comme une trame dont les fils humains s'entrecroisent à notre insu avec les fils obscurs et insensibles des esprits célestes ou diaboliques. C'est une vérité assurée par la Sainte Écriture et par l'enseignement de l'Église. L'expérience montre qu'on a tort de lui attribuer une importance médiocre. Il serait très intéressant et très utile d'étudier de ce point de vue les ruses subtiles du démon au cours d'une tentation : comment, par exemple, il fait concorder les pièges extérieurs avec les tendances perverses qu'il a découvertes ou excitées dans une nature portée par elle-même au mal, pour faciliter ses chutes.

Mais nous voudrions restreindre notre sujet à un point précis : l'étude des initiatives du mauvais esprit dans la recherche loyale d'un bien spirituel certain. Car, malgré qu'on en ait, les esprits de lumière et ceux de mensonge se mêlent dans les plus pures démarches de l'âme. Ceux-là mêmes qui ont le bonheur d'agir avec une bonne conscience ne sont pas pour autant à l'abri des illusions : une erreur néfaste peut se cacher sous l'apparence d'une impulsion généreuse. L'une des tâches d'un directeur spirituel est précisément de signaler les erreurs de cette sorte. Il y faut une habitude du « discernement », science difficile à laquelle on ne parvient pas d'emblée, ni sans condition. Nous voudrions donner ici quelques principes qui sont le fruit d'une expérience, sans doute limitée, acquise par un directeur d'âmes.

Il y a, nous semble-t-il, deux façons de porter un jugement ferme sur la conduite d'une âme : on peut se faire une conviction en examinant soit l'état d'esprit qui l'inspire dans l'action, soit la tactique du « bon et du mauvais ange » qui agit sur ses facultés. L'expérience prouve que les âmes, sans le vouloir, sans se connaître, sans résoudre leurs problèmes, sans dissiper leurs ténèbres, montrent assez clairement