Se taire
Pourtant, elles sont nombreuses, les paroles indéfendables, même dans les textes (et surtout les traductions) liturgiques. Que d'oraisons expliquent à Dieu ce qu'il conviendrait qu'il fît et, comme pour mieux le convaincre, avancent des arguments et prodiguent les explications ! Ainsi, cette prière sur les offrandes nous fait lui dire : « Car chaque fois qu'est célébré ce sacrifice en mémorial, c'est l'oeuvre de notre rédemption qui s'accomplit. » Est-il utile de le rappeler à Dieu ? Visiblement, quand on le fait, ce n'est plus à Celui qui sait tout que l'on s'adresse. On se parle plutôt à soi-même. Quand on se croit seul, il peut arriver que la vivacité d'une réflexion la fasse surgir à voix mi-haute. Qu'un voisin inaperçu se manifeste, l'embarras vous fait taire, et peut-être même rougit-on d'avoir parlé tout seul. Et si l'on prend conscience d'avoir lâché un mot très malheureux, la honte vous envahit. Dieu à qui nous donnons tant d'explications, nous serait-il moins présent pour que la confusion ne nous fasse pas taire, aussitôt ?
Cette expérience de la confusion qui ferme la bouche fait deviner la différence entre le silence que nous nous imposons et celui qui s'impose, ou plutôt qu'impose la pensée de Dieu. Nous pouvons bien essayer d'écarter les imaginations inutiles, toujours elles renaissent. Nous tentons, faute de pouvoir l'arrêter, de ralentir du moins le moulin de notre discours intérieur ; nous le réduisons à la portion congrue en répétant indéfiniment la très simple prière de Jésus : « Jésus, pitié ! » Quand aucun mot ne passe plus, interdit qu'il est par un silence venu du cœur, la prière devient plus vraie.
Le plus souvent, un tel silence ne dure pas, et il faut encore revenir à des mots. Heureusement, il en est de moins contestables que...
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